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L’affaire Michel Dumont … une affaire de crédibilité …
Il nous fallait d’abord aller voir le film afin de comprendre un autre aspect de la présentation de la cause de l’affaire Dumont. Le film présente beaucoup de détails factuels qui constituaient le mode de vie, l’univers de Michel Dumont. Ce qui nous intéresse ici est plutôt le strict processus judiciaire.
Michel Dumont sera trouvé coupable en 1992 d’avoir « violé » Madame Lechasseur. Sa sentence sera de 52 mois d’emprisonnement. Il continuera de clamer son innocence en détention refusant de suivre une thérapie ce qui l’empêchera même de bénéficier d’une libération conditionnelle au sixième de sa peine.
Ce qui est bien rapporté dans le film c’est que les témoins de la défense souffraient de problèmes au niveau de leur crédibilité. La défense en a été fortement entachée suivant l’analyse et le jugement de la juge de première instance. Pourtant cette défense était pourtant simple : au moment des événements allégués par la victime, Monsieur Dumont était en présence d’amis en train de jouer aux cartes. Bien que les témoins se soient contredits sur des éléments collatéraux et sans lien direct avec l’accusation, ils n’ont pas réussi à soulever un doute sur la culpabilité de Dumont.
Un apprentissage sur le rôle et la préparation du témoin
L’objectif n’est pas ici de dire que la juge de première instance a eu raison de ne pas croire les témoins de la défense, l’objectif est plutôt d’utiliser l’image. Il est important de noter à cette étape le rôle prépondérant des témoignages rendus à la Cour. Le juge du procès doit se faire une idée sur la « crédibilité » d’un témoin et ce suivant sa présentation à la Cour. Il est donc important que le témoin soit préparé à témoigner.
On entend par préparation que le témoin comprenne le processus judiciaire, son rôle comme témoin et l’évaluation de sa crédibilité qu’il subira suivant l’analyse du juge du procès. Dans des situations où accusé et plaignant tiennent des versions contradictoires et qu’ils peuvent compter sur des témoins, il est important que ceux-ci, par le témoignage, soutiennent et/ou corroborent la version de l’accusé.
Même des éléments collatéraux non corroborés, lorsqu’ils sont nombreux, peuvent entacher la crédibilité d’un témoin. Il ne faut donc pas minimiser tout le contexte, l’ensemble de l’événement au moment de rendre témoignage sur celui-ci.
Par exemple, dire que l’accusé était en notre présence est une chose. Encore faille-t-il pouvoir donner des détails concordants au tribunal, concordants avec la version de l’accusé ou d’autre témoin. Si un témoin rapporte qu’il jouait au « Monopoly » et que l’autre dit qu’il écoutait un film … si un dit qu’il avait consommé de la drogue et que l’autre le nie…l’histoire s’embrouille… plus personne n’est cru.
Version de la victime
La version de la victime subira ce même sort d’analyse de la crédibilité. Évidemment, c’est même ce témoignage qui devrait être le plus scruté, en ce sens où il doit fournir une preuve hors de tout doute raisonnable.
C’est ce témoignage qui constitue la preuve, l’assise des accusations. Ce témoignage ne doit pas seulement soulever un doute, ne doit pas suggérer que ça « pourrait » être la bonne version.
C’est pourquoi, rappelons-le, un accusé pourrait ne pas témoigner, ne pas avoir à nier spécifiquement et être acquitté si la crédibilité de la victime est affectée. Sa crédibilité n’a même pas à être annéantie, elle n’a qu’à laisser persister un doute raisonnable.
**Voir à ce sujet un article sur la crédibilité des plaignantes. Également l’article sur l’affaire Dumont de notre consoeur Me Véronique Robert sur le site de voir.ca
Le sort de Dumont
Dumont prétend à une erreur judiciaire et durant que sa cause a été portée en appel, rencontrera Solange Tremblay qui mènera pour lui la bataille durant son incarcération après qu’il ait perdu son appel de sa condamnation. Elle s’adressera à la ministre fédérale de la Justice, Ann McLellan qui a saisi la Cour d’appel en utilisant un pouvoir limité et extraordinaire. Cela aura permis d’évaluer de nouveaux éléments plus spécifiquement des doutes entretenus et avoués par la victime sur l’identification de son agresseur. La Cour d’appel en 2001, alors que Michel Dumont aura déjà purgé toute sa peine statuera prononcera un acquittement.
L’histoire se continue alors que la victime Madame Lechasseur fait des apparitions afin de renverser le doute qu’elle avait entretenu sur l’identification de son présumé agresseur. C’est la victime qui aujourd’hui semble voir sa crédibilité affectée.
Néanmoins, l’affaire au niveau criminel est close puisque Dumont ne pourra plus subir de procès pour ces faits…le verdict final est déjà rendu : l’acquittement.
Me Julie Couture, avocate Couture avocats à Laval