Un peu tout le monde a été stupéfait d’apprendre que Richard Henry Bain avait profité de l’opportunité qu’il avait d’utiliser un téléphone à partir du pénitencier Rivière-des-Prairies pour téléphoner à la radio anglophone et parlé de Montréal, CJAD.
Des extraits en français ainsi qu’en anglais ont été diffusés dans différentes stations du réseau Astral média. Sur la totalité du contenu qui compte un peu plus de 30 minutes, moins d’une minute a été rendue publique. Bain semble tenir des propos à connotation politique plus ou moins cohérents. Il aurait refusé d’aborder la question des événements du 4 septembre 2012 au Métropolis.
Bain fait pour l’instant face à des chefs de meurtre prémédité, de tentative de meurtre, de voies de fait grave, d’usage d’armes à feu, de possession de matériel incendiaire, d’incendie criminel, d’entreposage inadéquat d’armes à feu et de possession d’armes prohibées.
La liberté d’expression
Nos chartes énoncent le principe que toute personne est titulaire des libertés fondamentales. Celles-ci prévoient, entre autres, la liberté de conscience, d’opinion et d’expression. Toutes des valeurs profondément ancrées dans notre société démocratique. Ces libertés ne peuvent toutefois pas s’exercer sans certaines contraintes. Elles comportent des limites.
Par exemple, une personne ne peut l’exercer en faisant de la diffamation, en violant le droit à la vie privée d’une autre personne ou en dévoilant une information qui fait l’objet d’une ordonnance de non-publication. Dans un contexte médiatique, il peut arriver que certaines informations relatives à des procédures judiciaires en fassent l’objet. Cette ordonnance vise à préserver le droit d’un accusé à un procès juste et impartial.
Au même titre, l’article 3 de la Charte canadienne prévoit que « tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérale ou provinciales ».
La Cour suprême s’est penchée sur la question générale du droit vote exercé par un détenu dans l’arrêt Sauvé c. Canada, [2002] 3 R.C.S. 519. À l’article 4, paragraphe c) de la loi électorale du Canada, on peut lire que toute personne incarcérée dans un établissement correctionnel et y purgeant une peine de deux ans ou plus est inhabile à voter. Cette disposition a été jugée inconstitutionnelle.
Éthique journalistique
Dans le cas de Richard Henry Bain, la diffusion de ses propos ressort sans doute de l’éthique journalistique. Les médias ont le lourd fardeau de décider ce qui pourrait être contre l’intérêt du public. Cet aspect est une partie non négligeable du droit à la liberté d’expression.
À bien y penser, ce qu’a fait Bain en téléphonant à CJAD n’a rien d’un exploit. Il suffisait d’un téléphone et de la volonté d’exprimer ses opinions politiques. Que les propos de Bain soient cohérents ou non, il n’en demeure pas moins que ce dernier a le droit de s’exprimer.
L’accès à un téléphone dans un milieu carcéral dépend de la liberté dont jouit le détenu dans l’établissement. En général, peu de restrictions sont imposées quant au nombre d’appels que pourrait effectuer un détenu. En cas d’abus, l’établissement se réserve le droit d’imposer des restrictions. Dans un contexte de détention, le droit de téléphoner constitue bien plus un privilège qu’un droit.
La question à se poser n’est pas tellement à savoir s’il a le droit de s’exprimer, mais plutôt est-ce que nous servons l’intérêt public à diffuser ses propos? En matière politique, nos tribunaux ont été plutôt clairs à ce sujet. Dans une société démocratique, la confrontation des points de vue doit être respectée.
Le criminologue David Henry que j’ai contacté m’a informé de l’importance de l’accès à un téléphone en milieu carcéral. En effet, sans cet accès il serait difficile pour certains détenus de reconstituer les liens sociaux une fois de retour en société. Le téléphone permet de rester en contact avec ses proches, familles et amis. Ces derniers ne sont pas toujours disponibles pour se déplacer en prison.
Des propos préjudiciables ?
De façon plus personnelle, le comportement de Bain après les événements du Métropolis jette un voile sur ses motivations possibles dans l’éventualité d’une déclaration de culpabilité. Il sera intéressant de voir quelle utilisation pourra en être fait lors d’un éventuel procès sur les chefs d’accusation dont Bain fait face.
Un droit spécifique s’applique aux mineurs, l’ordonnance de 1945, donne la priorité à la réponse éducative.