Droit criminel

Délais déraisonnables

delais deraisonables

Injustice pour les uns et justice interminable pour les autres

Que ce soit des cas plus populaires ou médiatisés (récemment l’affaire Marc Gagnon), les tribunaux ont, et cela ne date pas d’hier, eu à prononcer des arrêts des procédures dans des dossiers parce que le système de justice n’arrive pas à entendre les causes dans des « délais raisonnables ».
La Charte prévoit à l’alinéa 11b) cette protection. Ce qu’il faut savoir c’est que la protection s’applique plus particulièrement à partir du moment où des accusations sont déposées et non pas à partir du moment de l’infraction.
Cela signifie que les délais raisonnables visent plus spécifiquement la longueur du traitement judiciaire plutôt que le temps où l’enquête a lieu ou le délai entre des événements et la plainte d’une victime.
Ces derniers délais sont jugés « pré-inculpatoires » et ne mène que « très très » exceptionnellement à un arrêt des procédures.
De façon générale il faut savoir qu’une « ligne directrice » a été tracée par la Cour suprême depuis déjà un moment et affirmé plus spécifiquement dans l’affaire Morin en 1992. Des délais de 8 à 10 mois afin d’obtenir une date de procès sont raisonnables dans le cas de poursuites sommaires. Dans le cas d’acte criminel, entre l’enquête préliminaire et le procès un délai de 6 à 8 mois est considéré.
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Requête pour délais raisonnable

Le juge saisi d’une requête pour délais déraisonnables doit scruter les délais et voir pour quels motifs ils ont été occasionnés. Les délais qui visent des remises par la couronne ou le délai avant d’obtenir une date sont comptés pour juger du caractère déraisonnable. Il faut donc enlever les délais causés par des remises demandés ou causés par l’accusé.
Par exemple, si la défense demande des preuves supplémentaire à la couronne, le délai avant que cette preuve soit fournie à la défense sera attribué à la poursuite. À l’effet inverse, si l’accusé demande une remise parce qu’il change d’avocat ou a besoin de plus de temps pour évaluer et établir sa défense, ces délais seront attribuables à la défense.

Notion de préjudice

Le juge doit également évaluer le préjudice subi par l’accusé. Le préjudice est les inconvénients occasionnés par le fait qu’il a été long avant d’être jugé. Par exemple,

  • la perte d’opportunité d’emploi,
  • perte financière,
  • problème psychologique, etc.

Le fardeau de démontrer un préjudice, des conséquences des délais sur sa vie est diminué plus le délai est long.

Les exemples de cas où les délais ont été jugés déraisonnables sont variés.

Bien entendu, il faut voir la gravité des accusations. Pour des causes de drogues (production, traffic) des délais plus longs seront justifiés alors qu’il ne le serait pas dans une affaire simple d’ivresse  au volant pour prendre cet exemple.
Pour reprendre le dossier de Marc Gagnon, il faut savoir que beaucoup d’importance a été accordée au préjudice subi par celui-ci et les délais en cause pour cette affaire de conduite en état d’ébriété  étaient de 24 mois non attribuables à l’accusé, sur un total de 51 mois.
La décision a été portée en appel par la poursuite en août dernier ( 2012).
Dans d’autres cas d’alcool au volant, les délais déraisonnables varient entre 24 et 30 mois et plus bien entendu. Dans des cas de fraude, drogues ou de causes plus complexes les délais déraisonnables dépassent généralement les 30 mois.
Évidemment, il faut retenir que chaque situation est particulière en ce que

  1. les délais ne doivent pas être attribuable à la défense et l’accusé ne doit pas avoir renoncé à invoquer les délais et
  2. les conséquences diffèrent suivant les individus.

Cependant, ce n’est pas parce que vous n’avez pas un préjudice qui se démarque que les délais ne seront pas jugés déraisonnables, un long délai sous-tend et suggère un préjudice.
 

Mises à jour au 20 août  2013

Le Dpcp a porté la cause de monsieur Gagnon en appel.
La Cour Supérieure est intervenue et a ordonné un nouveau procès.  Monsieur Gagnon devra donc retourné à la Cour du Québec à moins de s’adresser à la Cour d’appel.
Une histoire à suivre.
 
 
 

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