Garde et contrôle d’un véhicule sous l’effet de l’alcool.
Jugement de la Cour suprême rendu le 26 octobre 2012 qui confirme l’acquittement de première instance.
Avoir un plan concret
Victoire pour monsieur Donald Boudreault qui s’est battu jusqu’en Cour Suprême du Canada pour faire rétablir son acquittement. L’honorable juge Daoust de la Cour du Québec l’avait acquitté de garde et contrôle d’un véhicule à moteur alors que sa capacité de conduire était affaiblie par l’effet de l’alcool. Ici, on parle d’un taux d’alcoolémie de 250 mg d’alcool par 100 ml de sang. Monsieur Boudreault avait un plan concret et crédible pour rentrer chez lui. Dans l’attente d’un taxi, il s’est endormi au volant, la clé dans le contact et le chauffage allumé. Le juge de première instance avait décidé qu’en l’absence de risque que le véhicule à moteur soit mis en mouvement, il était difficile d’arriver à la conclusion qu’il y avait garde ou contrôle au sens de la Loi. Ses expériences antérieures lui avaient appris combien il est grave de conduire avec les facultés affaiblies. Il avait un plan établi pour rentrer chez lui. La preuve a démontré qu’il était dans l’attente d’un taxi qui lui aurait effectivement évité de conduire et que c’est le chauffeur du taxi lui-même qui l’a dénoncé à la police.
Il est toujours illégal d’avoir la garde et le contrôle d’un véhicule sous l’effet de l’alcool lorsque notre taux d’alcoolémie dépasse le 0.08 malgré ce jugement. Reprenons ce que dit le code criminel à cet effet : l’article 258 (1) a) du Code criminel édicte une présomption de garde ou de contrôle qui se lit comme suit :
Art. 258 du code criminel
(1) Dans des poursuites engagées en vertu du paragraphe 255(1) à l’égard d’une infraction prévue à l’article 253 ou au paragraphe 254(5) ou dans des poursuites engagées en vertu de l’un des paragraphes 255(2) à (3.2) :
a) lorsqu’il est prouvé que l’accusé occupait la place ou la position ordinairement occupée par la personne qui conduit le véhicule à moteur, le bateau, l’aéronef ou le matériel ferroviaire, ou qui aide à conduire un aéronef ou du matériel ferroviaire, il est réputé en avoir eu la garde ou le contrôle à moins qu’il n’établisse qu’il n’occupait pas cette place ou position dans le but de mettre en marche ce véhicule, ce bateau, cet aéronef ou ce matériel ferroviaire, ou dans le but d’aider à conduire l’aéronef ou le matériel ferroviaire, selon le cas; (Nos soulignés)
Pour avoir « la garde ou le contrôle » il faut maintenant:
(1) une conduite intentionnelle à l’égard du véhicule;
(2) par une personne dont la capacité de conduire est affaiblie ou dont l’alcoolémie dépasse la limite légale;
(3) dans des circonstances entraînant un risque réaliste, et non une infime possibilité, de danger pour autrui ou pour un bien. »
Intention de conduire
Le juge de première instance avait énoncé ceci :
« En aucun moment, l’accusé ne serait reparti avec son véhicule parce qu’il n’avait aucunement l’intention de le conduire. Le Tribunal est d’opinion que, comme l’accusé avait pris toutes les précautions nécessaires et qu’il avait toute sa tête lorsqu’il s’est rendu à sa voiture et que de surcroît, c’est le chauffeur de taxi qu’il avait appelé qu’il l’a dénoncé, il n’y avait aucun risque qu’il utilise ce véhicule. Dans les faits, l’actus reus n’a pas été prouvé puisqu’il n’y avait aucun risque. »
Risque réaliste de danger
Ce que l’Honorable juge Fish ajoute est le risque réaliste de danger pour autrui ou pour un bien. « Un risque réaliste que le véhicule soit mis en mouvement constitue un risque réaliste de danger, cela va de soi. Ainsi, l’intention de mettre le véhicule en mouvement suffit à elle seule à créer le risque de danger que vise l’infraction de garde ou de contrôle. Par contre, l’accusé qui convainc le tribunal qu’il n’avait pas pareille intention ne sera pas forcément acquitté. En effet, la personne trouvée ivre, assise à la place du conducteur et capable de mettre le véhicule en mouvement — même sans en avoir l’intention à ce moment-là — pourrait néanmoins présenter un risque réaliste de danger. »
Il termine en soulignant que « Pour éviter d’être déclaré coupable, l’accusé devra faire face, sur le plan tactique, à la nécessité de présenter des éléments de preuve crédibles et fiables tendant à prouver qu’il n’y avait pas de risque réaliste de danger dans les circonstances particulières de la cause. »
Ce que cela veut dire en terme pratique est que la couronne bénéficie de la présomption de garde et contrôle lorsqu’une personne est derrière le volant d’un véhicule. Cependant, la poursuite ne doit pas négliger de mettre en preuve des éléments qui présentent justement un risque de mise en mouvement du véhicule. Les juges majoritaires maintiennent que le risque réaliste est une conclusion logique lorsqu’un individu se trouve a la place du conducteur et que ces capacites sont affaiblies. Mais il n’y a pas de généralisation a faire, chaque cas est un cas d’espèce. C’est ainsi une belle porte ouverte pour les cas ou meme sans plan alternatif, il n’y aurait pas de risque de mouvement du véhicule. La Cour supreme cite expressément que le fait qu’un véhicule soit hors fonction dans le sens ou il ne peut d’aucune facon fonctionner (panne, etc.), cela ne présente pas de risque réaliste de mise en mouvement.
En résumé, la couronne peut faire la preuve du risque réaliste de trois facons: 1) Risque que l’accusé assis dans son véhicule pour d’autre motif que de conduire change d’idée et prenne le volant 2) Risque involontaire que l’accusé mette en mouvement le véhicule 3) Risque que le véhicule, bien que stationnaire, nuit a la circulation
La défense devra présenter une défense de ces types: 1) Plan alternatif de l’accusé expliquant sa présence dans le véhicule (ex: attente d’un taxi, attente de l’ouverture du métro, etc.)
2) Parallèlement au plan alternatif, il devra également être écarté le risque de mise en mouvement du véhicule involontairement et établir que la voiture ne nuisait pas a la circulation dans son positionnement.
3) Le simple fait qu’un véhicule ne puisse fonctionner, pour cause de bris, sans preuve de conduite préalable évidemment, constituerait une défense valable et suffisante en soi.
Au final, il s’agit d’une question de fait qui sera évaluée par le juge du procès. Est-ce que les policiers seront plus tolérants ? C’est une grande victoire pour les avocats de la défense et nous félicitons notre collègue Me Jean Marc Fradette pour son excellent travail.
Nous entendions aux nouvelles que de se défendre jusqu’en Cour Suprême devait être très coûteux. C’est vrai, puisque la Cour Suprême exige que le dossier soit distribué en 27 copies, la rédaction des mémoires prend énormément de temps, la Cour siège à Ottawa, sans oublier la préparation et la plaidoirie finale. Nul besoin de souligner que le stress est à son maximum !
En terminant, la plupart des avocats de la défense exercent leur profession avec passion. Il n’est pas rare que nous défendions des causes « Pro Bono » pour le client, mais également pour faire valoir des principes de droit qui auront une influence sur toute la pratique.
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