Par : Me Julie Couture | Publié le : 12 août 2024

Versions contradictoires ou pourquoi les cas d'accusation d'agression sexuelle sont si complexes
Les accusations criminelles de nature sexuelle sont évidemment à prendre au sérieux. Dans une cause d'agression sexuelle, les versions de l'accusé(e) et de la victime sont généralement différentes. Cela dit, les personnes qui se retrouvent accusées de ces infractions ont le droit d'apporter leur version des événements, ainsi que le contexte de ceux-ci, devant un tribunal. C'est ainsi que fonctionne notre système de justice.
Il arrive souvent que la version des évènements présentée par la victime soit complètement différente de celle de l’accusé, voire carrément opposée. C’est ce qu’on appelle des versions contradictoires. Dans ce contexte, la question de la crédibilité des témoins est primordiale. C'est ce qui guidera le juge dans sa prise de décision.
Comment préparer son témoignage dans son propre procès pour agression sexuelle
Pour se défendre de telles accusations, il est possible que l’accusé doive témoigner sur sa propre version des faits. Il faudra expliquer au juge la nature de la relation entre la victime et l'accusé. Il est également important d'élaborer sur le contexte particulier ayant mené aux événements en cause.
Or, le Code criminel prévoit certaines règles qui limitent les éléments sur lesquels l’accusé pourra témoigner. C'est le cas lorsqu'il est question notamment des activités sexuelles antérieures de la victime.
Ces limites imposées par le Code criminel ont été mises en place dans le but d’écarter les mythes et les stéréotypes qui entourent souvent les victimes d’agression sexuelle. Cela tout en se souciant des droits des accusés à obtenir une défense pleine et entière. C'est donc le rôle du juge de veiller à maintenir un équilibre entre la protection des victimes et les droits des accusés.
C’est dans cette optique que l’article 276 du Code criminel est entré en vigueur en 1992.
L'article 276 du Code criminel : Preuve concernant le comportement sexuel du plaignant
L’article 276 du Code criminel prévoit que l’accusé pourra utiliser les activités sexuelles antérieures de la victime comme élément de preuve pour se défendre. Cependant, des conditions bien précises doivent être respectées. L’approbation d’un juge est également requise.
À moins qu'un juge ne l'autorise, l’accusé ne pourra témoigner ou contre interroger la victime ou un tiers concernant une activité sexuelle de la victime qui n’est pas directement visée par les accusations portées. Dans le même ordre d'idées, il ne peut pas non plus présenter des éléments de preuve documentaire si ceux-ci ne sont pas liés aux accusations en cause.
Le concept d'activités sexuelles antérieures dans un procès pour agression sexuelle
Commençons par déterminer ce qui constitue une activité sexuelle antérieure d'un point de vue juridique.
Il s’agit essentiellement de :
- Toutes activités sexuelles avec la victime ayant eu lieu avant les faits reprochés ;
- Toutes communications d’ordre sexuel avec la victime ;
- Toutes réponses obtenues à la suite d’un examen médico-légal ;
- Toute preuve visant à mettre en preuve que la nature de la relation impliquait une activité sexuelle ;
- Toute preuve de l’inactivité sexuelle ou de la virginité du plaignant.
Conditions pour admettre les activités sexuelles antérieures de la victime en tant que preuve
Pour être en mesure d'utiliser les activités sexuelles antérieures de la victime comme élément de preuve dans un tribunal, une requête (procédure écrite) devra être rédigée et déposée au dossier de la cour.
Un juge pourrait également décider de convoquer et d’entendre les parties pour se prononcer sur la requête avant la date du procès. Il faudra alors démontrer au tribunal, de manière claire, précise et détaillée, un ensemble d’éléments démontrant la pertinence de la requête.
En effet, pour admettre en preuve les activités sexuelles antérieures de la victime, celles-ci doivent avoir un lien direct avec un élément de la cause. De plus, le risque d’effet préjudiciable pour la victime doit être inférieur à la valeur probante de l’élément de preuve.
En aucun cas, la procédure pour admettre les activités sexuelles antérieures ne doit être utilisée pour démontrer :
- Que la victime devait être plus susceptible d’avoir consenti à l’acte faisant l’objet des accusations, car elle a déjà consenti à une activité sexuelle avec l’accusé dans le passé ;
- Que la victime est moins digne de foi en raison de ses activités sexuelles passées.
Si une procédure écrite doit être présentée au tribunal, c’est à l’accusé que revient le fardeau de démontrer au juge qu’il est pertinent d’admettre les activités sexuelles antérieures de la victime comme élément de preuve.
Pièges à éviter dans la requête
L’accusé doit être vigilant et éviter d’alléguer des motifs trop généraux dans sa requête. Par exemple, le fait que les activités sexuelles antérieures de la victime soient nécessaires pour illustrer le contexte n’est pas suffisant pour affecter la crédibilité de la victime. Ceci fait plutôt en sorte de perpétuer les mythes et n'est pas à l'avantage de l'accusé. Il faudra être plus précis.
Comme l'a mentionné le plus haut tribunal du pays dans une décision récente : l’accusé doit démontrer en détail non seulement que la crédibilité ou le contexte est en rapport avec un élément de la cause, mais qu’en l’absence de la preuve en cause sa position serait « indéfendable » ou « complètement improbable. »
Évidemment, en l’absence d’une telle requête, les activités sexuelles antérieures de la victime ne pourront pas être utilisées en preuve. Dans un tel cas, l’accusé ne pourra pas y faire référence pour se défendre.
Les critères sur lesquels le juge se base pour sa décision
Le juge qui entend la requête devra ensuite prendre une décision : est-ce que les activités sexuelles antérieures de la victime devraient faire partie de la preuve présentée? Pour aider le juge à prendre sa décision, le Code criminel prévoit plusieurs critères qui doivent être pris en compte.
Le juge devra donc pondérer plusieurs éléments, notamment le droit de l’accusé à une défense pleine et entière, mais également le droit de la victime à la dignité, la sécurité et la vie privée.
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Naviguer à travers les enjeux juridiques entourant les accusations de nature sexuelle peut être difficile et préoccupant. Il est crucial de comprendre les enjeux ainsi que les restrictions prévues par la loi. Ceci est essentiel pour vous assurer une défense adéquate.
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