Par : Me Julie Couture | Publié le : 23 décembre 2022
En droit criminel, lors de versions contradictoires, notre système repose souvent sur la preuve testimoniale et l’analyse de la crédibilité des témoins. Cela peut toutefois s’avérer un réel défi.
Quand il n’y a pas de témoins visuels
Qu’arrive-t-il quand personne n’a réellement vu ce qui s’est produit ? Il arrive que la poursuite présente tout de même une longue liste de témoins. Celle-ci pourra tenter de faire déclarer comme témoignages admissibles ceux de l’ensemble des personnes qui étaient sur les lieux de l’événement. Le but de cette manœuvre serait de démontrer l’état d’esprit de la victime, à titre d’éléments narratifs à portée circonstancielle.
Dans le cas d’un crime contre la personne, comme une agression sexuelle, la poursuite pourra faire témoigner des personnes de l’entourage du ou de la plaignant.e afin de « corroborer » la plainte en question. Ce type de témoignage soit défendu par la règle interdisant le ouï-dire. Cela dit, il arrive qu’il soit admis en preuve pour démontrer l’état d’esprit d’une victime alléguée, à titre d’élément narratif, qu’on considérera de portée circonstancielle. Or, ceci n’a pas pour effet d’étayer ni de renforcer la véracité du témoignage. En effet, ceci constitue du ouï-dire et ne peut être utilisé pour prouver la véracité d’un témoignage. Ce type de témoignage est souvent exclus, car les déclarations à titre d’appui n’ont pas réellement de force probante.
CRÉDIBILITÉ : Une question de nuances
Ce type de preuve tend à être favorable à la poursuite. Malheureusement, elle est souvent défavorable à la défense. Or, ce n’est pas parce qu’une victime fait part de ses émotions suivant une agression alléguée que celles-ci prouvent quoi que ce soit. Il ne faut pas sauter aux conclusions. Cependant, ces déclarations seront utiles au juge du procès. Elles lui permettront de comprendre comment les faits relatés par la victime ont été divulgués et de les comparer avec la plainte faite à la police à l’origine. Tout ceci concerne encore une fois la crédibilité de chaque témoin.
Dans la recherche de la vérité, le tribunal voudra comprendre toute la situation afin d’obtenir un cadre logique des prétentions au niveau de la sincérité de la plainte. Le ou la plaignant.e allégué.e peut avoir plusieurs témoins. Ces déclarations ne constituent toutefois pas une preuve de la perpétration d’un crime. Le juge du procès est donc limité dans l’utilisation qu’il peut en faire.
COMMENT chaque témoignage est analysé
Si, en droit criminel, tout accusé a droit à la présomption d’innocence, il n’existe aucune présomption d’honnêteté pour les témoins. Souvent confronté à des versions contradictoires, le tribunal doit déterminer le degré de crédibilité et de fiabilité qu’il accorde à chacun des témoignages entendus au procès. Bien entendu, ceci est loin d’être une science exacte, comme nous le rappelle chaque jour la jurisprudence.
On entend souvent dire qu’il n’y a pas de victime parfaite. Il en est de même pour l’autre côté de la médaille : il n’y a pas d’accusé parfait. La preuve doit être évaluée dans sa totalité en tenant compte des éléments particuliers. Le tribunal considèrera pour chaque témoignage les caractéristiques personnelles du témoin, son honnêteté et son intégrité. Ceci peut se manifester dans sa façon de rendre son témoignage, les ajouts ou oublis d’une version à l’autre ou encore des contradictions. La façon de se comporter sera également évaluée. Des contradictions dans un témoignage, des détails inventés ou des trous de mémoire importants sont des éléments qui entacheront la crédibilité d’un témoin.
Crédibilité ne signifie pas qu’il faut convaincre
Un témoin trop motivé à convaincre le juge de la véracité de son témoignage aura tendance à tomber dans le piège de l’exagération. Amplifier son discours pour convaincre un juge est une bien mauvaise tactique. Il en va de même lorsque le témoin ne connaît pas la réponse. Mieux vaut admettre qu’on ne s’en souvient pas plutôt que d’inventer une réponse hypothétique.
L’évaluation de la crédibilité des témoins repose sur le gros bon sens. Il existe, bien entendu, des règles standard en matière de preuve selon la justesse du témoignage.
doute raisonnable
Les délais en matière criminelle sont plutôt longs. Il arrive que le passage du temps, entre le moment de l’événement et le témoignage, affecte la mémoire des témoins. Il peut y avoir des oublis, mais la règle du doute raisonnable doit toujours être respectée. Nous ne le dirons jamais assez : le fardeau de la preuve repose sur le ministère public (la poursuite). La personne accusée n’a pas à prouver son innocence; elle doit toujours bénéficier du doute raisonnable. Cela signifie que si le juge a ne serait-ce qu’un doute raisonnable comme quoi l’accusé n’a pas commis l’agression, il doit l’acquitter.
La présomption d’innocence est garantie à tous les canadiens par la Charte canadienne des droits et libertés. Il s’agit de la pierre d’assise de notre système de justice criminelle. Pour pouvoir déclarer un individu coupable d’un crime, la preuve doit en être faite hors de tout doute raisonnable. Acquitter un individu ne signifie pas non plus que l’événement n’a pas eu lieu. Cela veut seulement dire que les éléments de preuve et les témoignages ne suffisent pas à le prouver hors de tout doute raisonnable. Le rôle du juge est donc d’évaluer toute la preuve ainsi que la crédibilité de tous les témoins. Il devra rendre un verdict à la lumière de son analyse.
Besoin d’un avocat ?
Vous avez des questions au sujet des versions contradictoires ou de la crédibilité de votre témoignage ? Contactez-nous sans tarder. Nos avocats d’expérience sont là pour vous guider dans la préparation de votre dossier. Nous sommes là pour vous, à toutes les étapes du processus judiciaire.