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Parjure : Une tache sur la confiance du public envers les forces de l’Ordre

toa heftiba QHuauUyXRt8 unsplash

Par : Me Julie Couture | Publié le : 26 février 2025

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« Jurez vous de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ? »

Il s’agit d’une phrase que l’on a tous déjà entendue, que ce soit dans un vrai procès ou encore dans un film ou à la télévision. Mais cette question qui peut sembler banale est toutefois si importante dans un contexte judiciaire. Malheureusement, ce n’est pas tout le monde qui dit toute la vérité. Quand quelqu’un ment dans un contexte juridique, on parle de parjure. Il est important d’en saisir les enjeux légaux et surtout les conséquences.

Qu’est-ce que le parjure ?

Le parjure est un terme juridique qui désigne le fait de mentir sous serment. Il survient lorsqu’une personne fait une déclaration fausse sous serment ou affirmation solennelle devant un tribunal ou une instance judiciaire.

Lorsqu’une personne, après avoir juré de dire la vérité, fournit des informations fausses ou délibérément trompeuses, ces actes peuvent être qualifiés de parjure, si les déclarations ont été faites dans l’intention de tromper. Cela inclut les notamment les témoignages en cour, les affidavits (déclarations écrites sous serment) et les dépositions devant une instance officielle.

Quelles sont les conséquences du parjure ?

Le parjure est une infraction criminelle qui peut entraîner de lourdes conséquences, notamment :

  • Des sanctions pénales : Des amendes importantes et des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un maximum de 14 ans.
  • Une perte de crédibilité : Une condamnation pour parjure peut nuire à la réputation d’une personne. Ceci peut affecter sa vie professionnelle et personnelle.
  • Des répercussions juridiques : Un témoignage entaché de parjure peut compromettre toute une procédure judiciaire.

Comment se défendre en cas d’accusation de parjure ?

En tant qu’avocat.e.s de la défense, nous savons que toute accusation de parjure doit être examinée avec rigueur.

Voici quelques stratégies possibles pour contester une telle accusation :

  • Absence d’intention : Si l’accusé a fait une déclaration incorrecte par erreur ou par ignorance, il ne peut pas être tenu responsable de parjure.
  • Non-pertinence de la déclaration : Une fausse déclaration qui n’affecte pas l’issue d’un procès peut ne pas être considérée comme un parjure.
  • Violation des droits : Si les droits de l’accusé ont été bafoués lors de l’enquête ou du procès, cela peut mener à l’annulation des charges.
  • Interprétation des propos : Parfois, une déclaration ambiguë ou mal comprise peut être prise à tort comme un mensonge intentionnel.

Un policier accusé et reconnu coupable de parjure

Qu’en est -il alors lorsqu’un policier, doit protéger et servir la population, se rend responsable d’un parjure ? Les policiers font figure d’autorité dans la société, et les gens considèrent que ceux-ci sont sensés dire la vérité. Lorsqu’un policier se rend coupable de ce délit, il s’attaque à l’intégrité des systèmes policier et judiciaire. Il s’agit d’un manquement grave à l’éthique et une trahison envers les citoyens qu’il s’est engagé à protéger.

Comme le soulignait Me Gagné dans la décision Commissaire à la déontologie policière c. Gauthier[1], « une telle conduite contrevient aux qualités d’honnêteté et d’intégrité exigées des policiers et qui sont à la base de la confiance et du respect des citoyens à l’égard de la fonction policière. »

L’importance de la crédibilité des témoins

Au Québec et au Canada, l’appréciation de la crédibilité d’un témoin est la même, qu’il s’agisse d’un témoin ordinaire ou d’un témoin policier. Un policier qui ment sous serment met en péril l’équité du procès et fausse la quête de la vérité. Ceci peut entraîner des conséquences dramatiques, telles que l’incarcération de personnes innocentes. Il s’agit d’une conséquence très grave et inacceptable!

Lorsqu’on est capable de prouver un parjure commis par un membre des forces de l’ordre, ce dernier peut faire l’objet d’une accusation criminelle. Il court également le risque de perdre son emploi.

Parjure et perte de confiance de la population

Dans un contexte où les policiers sont déjà sous surveillance accrue, lorsque des scandales liés au parjure surviennent, ils exacerbent la méfiance populaire envers les institutions policières. On peut penser à l’histoire de ce policier de Longueuil, accusé de parjure en 2024 pour avoir fait une fausse déclaration dans un procès. On peut également citer ce policier de Toronto accusé de parjure et d’entrave à la justice. Celui-ci avait fourni aux enquêteurs des informations fausses, trompeuses ou inexactes au sujet d’une enquête criminelle sur la personne du public avec laquelle il entretenait une relation personnelle.

Les citoyens sont en droit de se questionner. « Si même les personnes censées appliquer la loi peuvent mentir sous serment, qui peut-on vraiment croire ? » La réponse à cette question n’est pas simple, mais elle souligne une réalité inquiétante : la justice ne peut fonctionner efficacement que si ceux qui la servent respectent les principes de base que constituent la vérité et l’intégrité.

La lutte contre le parjure, en particulier lorsqu’il émane de policiers, n’est pas seulement une question légale. C’est une question de morale et de responsabilité sociale. Il est impératif que des sanctions exemplaires soient appliquées pour ceux qui enfreignent ces règles. Ceci permettrait d’envoyer, espérons le, un message clair : personne n’est au-dessus de la loi, pas même ceux qui sont censés la défendre.

Le parjure : une infraction sérieuse punie par le Code criminel

Au Canada, le parjure est punissable par la Loi et c’est le Code criminel qui régit cette infraction. En effet, l’article 131 du Code criminel indique que :

« […] commet un parjure quiconque fait, avec l’intention de tromper, une fausse déclaration après avoir prêté serment ou fait une affirmation solennelle, dans un affidavit, une déclaration solennelle, un témoignage écrit ou verbal devant une personne autorisée par la loi à permettre que cette déclaration soit faite devant elle, en sachant que sa déclaration est fausse. »

L’article 132 du Code criminel quant à lui, indique que quiconque commet un parjure est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze (14) ans.

La décision Calder c. La Reine est l’arrêt sur laquelle la jurisprudence s’appuie généralement en matière de parjure. La Cour suprême mentionne que la poursuite se doit de démontrer hors de tout doute raisonnable que :

  1. L’affirmation est fausse dans les faits.
  2. L’accusé connaissait la fausseté de son témoignage au moment où il l’a rendu.
  3. Le témoignage est rendu dans l’intention de tromper le Tribunal.

Pour les deux infractions, l’intention spécifique doit être prouvée par la poursuite, et ce, hors de tout doute raisonnable.

« La jurisprudence est unanime : l’infraction de parjure est une infraction sérieuse, l’honnêteté des témoins et leur franchise étant la pierre angulaire de tout le système judiciaire.  Un témoignage franc de tous les témoins est nécessaire pour maintenir la confiance du public dans notre système judiciaire.  Les justiciables doivent tous être conscients que rendre un faux témoignage, dans l’intention de tromper la Cour, est un geste très sérieux, qui a de graves conséquences.  Pour cette raison, les tribunaux accordent une importance particulière au facteur de dissuasion. »

R. c. Dumont, 2022 QCCQ 2217.

Un témoignage rendu par erreur ne constitue pas un parjure

À cet effet, il est important de faire la distinction entre un faux témoignage et un témoignage rendu par erreur. Le témoignage rendu par erreur « ne peut être suffisant pour inférer une intention et une connaissance de la fausseté d’un témoignage. »

Par exemple, dans un cas dans lequel un témoignage serait rendu plusieurs mois après les faits, le témoin se devrait d’être le plus précis possible dans l’énoncé des faits et témoigner selon ses meilleurs souvenirs. Si tel est le cas et qu’il y a erreur dans son témoignage, ce témoin ne pourrait pas être reconnu coupable de parjure. En effet, dans ce cas, le troisième critère, soit l’intention de tromper le Tribunal, ne serait pas rencontré.

Conclusion

Le meilleur moyen de ne pas faire face à des accusations de parjure est de dire la vérité. Le parjure est une infraction sérieuse qui peut avoir des conséquences considérables. Cependant, chaque affaire est unique et nécessite une défense adaptée. Si vous êtes accusé de parjure, il est essentiel de consulter un.e avocat.e de la défense qualifié.e. Il ou elle pourra protéger vos droits et vous assurer un procès équitable.

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