Par : Me Julie Couture | Publié le : 26 janvier 2023

Une cause émotive qui a enflammé les médias
On se souviendra facilement de l’affaire Simon Houle. Le désormais célèbre ingénieur avait, en 2019, agressé sexuellement une amie qui était sous l’influence de l’alcool. Il avait également pris des photos d’elle nue qu’il avait conservé dans son téléphone pendant des semaines. L’homme avait obtenu une absolution conditionnelle de la part de l’Honorable juge Poliquin en juin 2022, après avoir plaidé coupable. Une peine surprenamment peu sévère. Dans les médias, un scandale était né. Le tribunal populaire jugeait la sentence inappropriée.
Hier, il a finalement été condamné à passer une année derrière les barreaux.
Mise en contexte de l’affaire simon houle
Ce dernier s’était retrouvé devant des accusations d’agression sexuelle. En effet, lors d’une soirée arrosée, il avait fait subir des attouchements à une femme alors que celle-ci dormait. La femme avait été réveillée par la lumière vive de la caméra de Monsieur Houle, qui la prenait en photo pendant qu’il la touchait dans son sommeil.
Pour ne pas, entre autres, nuire à sa carrière d’ingénieur et l’empêcher de voyager, le juge du tribunal de première instance a octroyé une absolution conditionnelle à Monsieur Houle, à la stupeur et l’indignation de nombreuses personnes.
Absolution inconditionnelle ou conditionnelle
Le tribunal peut ordonner que l’accusé soit absout d’une infraction après avoir été déclaré coupable. Dans ce cas, aucune condamnation ne sera enregistrée. Les absolutions conditionnelles ou absolues peuvent être accordées seulement pour les infractions moins graves. Le tribunal a la possibilité d’imposer :
https://www.justice.gc.ca/
- une absolution conditionnelle : ceci a pour effet d’ajouter des conditions ou des règles particulières en vue de remédier au comportement de l’accusé qui l’a poussé à commettre l’infraction. L’accusé doit accepter de respecter pendant une période déterminée les conditions précisées dans une ordonnance de probation et sera absout une fois que les conditions auront été respectées. Le tribunal peut exiger, entre autres, que l’accusé :
- – ne consomme pas de drogues ou d’alcool,
- – ne se rende pas dans des lieux ou immeubles particuliers ou
- – suive des programmes particuliers de traitement ou de counseling.
- une absolution inconditionnelle : aucune condition n’est assortie à cet absolution.
Une absolution conditionnelle se définit donc comme étant l’enregistrement d’un verdict de culpabilité, mais n’octroyant aucun casier judiciaire. Dans ce cas-ci, le tout était conditionnel au respect des conditions remises au moment de la sentence. Le fait de ne pas respecter les conditions peut mener à une nouvelle arrestation pour bris de conditions et, éventuellement, à de nouvelles accusations.
L’affaire Simon Houle portée en appel
Le dossier a donc été porté en appel par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP). Celui-ci maintenait que le défendeur devait être sentencié à une peine de 18 mois de prison. Cette peine devait être assortie de conditions de remise en liberté, tel que plaidé lors des représentations sur sentence, lors de l’audition du dossier en première instance.
La Cour d’appel a donc analysé les moyens d’appels énoncés par le Ministère public. Si certains pourraient croire que la décision rendue hier a pour but d’apaiser l’opinion publique, il n’en est rien. Celle-ci repose sur une analyse rigoureuse.
Les juges ont tranché. La sentence émise, en l’occurrence l’absolution conditionnelle, allait à l’encontre des décisions en semblables matières. En effet, dans celles-ci, les peines se situent plutôt entre 15 et 20 mois de détention. La Cour d’Appel réitère ainsi l’importance qu’elle accorde au fait que les peines octroyées ne minent pas la confiance du public envers la justice, surtout en matière d’agressions sexuelles.
Le rôle de la Cour d’appel
Le travail de la Cour d’Appel n’est pas de réentendre le procès ou encore de statuer sur la crédibilité des plaignants et accusés dans les dossiers. Celle-ci doit plutôt évaluer si le juge de première instance était conforme au droit en vigueur. Autant dans son analyse de la cause que dans sa décision. Dans ce dossier d’agression sexuelle, on parle ici du Code criminel et de la jurisprudence récente.
La Cour d’appel doit donc prendre position quant aux décisions prises par le juge au sujet des moyens d’appels énumérés par l’appelant. Après avoir analysé les informations déposées par la Couronne ainsi que par l’avocat de l’accusé, les juges en sont venus à la conclusion que le juge de première instance n’avait pas convenablement pris position quant aux facteurs atténuants et aggravants de la cause. Leur conclusion est que l’absolution conditionnelle ne devait pas s’appliquer dans le dossier de Simon Houle.
« Une personne raisonnable […] ne comprendrait pas que Simon Houle puisse échapper à une condamnation »
Trois juges de la Cour d’appel du Québec
Erreurs du juge
Un des éléments qui ressortait dans les médias et sur les réseaux sociaux, est que le juge Poliquin avait qualifié l’agression sexuelle de « somme toute rapide ». La Cour d’appel rectifie : ce n’était pas le cas. De plus, il semblait ne pas avoir pris en compte l’infraction du voyeurisme dans la détermination de la peine. D’autres facteurs aggravants auraient été mis de côté.
Les cours d’appel ont été créées justement pour réviser les décisions des cours inférieures.
« Les gestes qu’il a commis à l’égard de [la victime] ne peuvent être assimilés à une erreur de jeunesse ou un accident de parcours »
Extrait de la décision rendue par la Cour d’appel du Québec
Les prochaines étapes pour Simon Houle
Cette décision de la Cour d’appel a été rendue hier, le 25 janvier 2023. La Cour d’appel a annulé la sentence en vigueur et ordonné à l’accusé une peine de détention de 12 mois. Le défendeur devra donc se rendre aux autorités avant le 30 janvier prochain, afin de purger sa sentence.
Le tribunal populaire
Pourquoi ce dossier a-t-il été médiatisé à ce point ? Sans doute touchait-il une corde sensible chez la population. Des manifestations ont même eu lieu devant des Palais de justice.
Il est évident que le mouvement #metoo / #moiaussi a grandement fait évoluer les choses au niveau des dénonciations d’agressions sexuelles. Il en va de même pour le processus judiciaire qui est relié à ces plaintes. Dans le but d’inciter les victimes à dénoncer leurs agresseurs, des peines plus sévères ont été octroyées. Le mouvement a également joué un rôle dans les dénonciations en matière de violence conjugale. Tous ces éléments ont probablement fait en sorte que les causes d’agression sexuelle touchent le public d’une manière particulière. Cela expliquerait possiblement l’indignation provoquée par la première sentence de Simon Houle.
On constate bien, notamment avec ce dossier, que la décision d’une juge peut être complètement différente de celle d’un autre, en fonction de l’analyse qu’il en fait. Les juges ont une marge de manœuvre, et certains peuvent pencher vers la sévérité alors que d’autres vers la clémence. Parfois, les juges font des erreurs. C’est le rôle des cours d’appels de rectifier le tir quand un juge de première instance erre dans sa décision.
Dans ce cas-ci, la cour d’appel a renversé la sentence de première instance. Cela dit, il arrive également qu’une sentence plus clémente soit accordée, par exemple. Chaque cas est différent, chaque dossier est unique.
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