Par : Me Julie Couture | Publié le : 1 février 2023
Prison à domicilé pour Jonathan Gravel
Décidément, les décisions judiciaires en matière d’agressions sexuelles n’ont pas fini de faire jaser. Encore cette semaine, une décision a soulevé la colère du public sur le web et les médias sociaux, de même que celle d’un procureur de la Couronne. Il s’agit ici de la sentence d’un homme, Jonathan Gravel. Après une saga judiciaire qui s’est étalée sur 8 ans, Monsieur Gravel s’est vu condamné à une peine de 20 mois d’emprisonnement dans la collectivité, avec sursis, pour une accusation d’agression sexuelle considérée grave par le juge. L’homme avait pénétré une femme dans l’anus sans son consentement. La femme avait consenti à la pénétration vaginale seulement. Puisque l’homme a été condamné, ce qui chicote les gens ici, c’est l’aspect de ce qu’on appelle communément la « prison à la maison », soit l’emprisonnement dans la collectivité.
L’impact du projet de loi C-5
Jusqu’en novembre 2022, il était impossible de recevoir une peine de prison à domicile pour une agression sexuelle. Si la durée des peines varient selon la sévérité de l’agression, la prison ferme demeurait la norme. Ce n’est qu’à ce moment que le projet de loi C-5 du gouvernement de Justin Trudeau a permis le retour des peines d’emprisonnement dans la collectivité pour les cas d’agression sexuelle. Il permet de rétablir la peine d’emprisonnement avec sursis, qui était jugée trop clémente par la gouvernement Harper.
Par le passé, beaucoup de délinquants sexuels se sont vu imposer des peine minimales, ce qui empêchait l’octroi de l’emprisonnement avec sursis. Depuis le mouvement #metoo / #moiaussi, il y a eu une hausse des procès en matière d’agressions sexuelles. Dans ces procès, le débat se fait sur la crédibilité de l’un face à celle de l’autre. Les juges n’ont pas de boules de crystal, et il n’y a jamais de certitude. Il est donc difficile de prononcer le bon verdict et d’octroyer la bonne peine.
L’emprisonnement avec sursis et la prison à domicile
Voila que la peine d’emprisonnement avec sursis fait son grand retour. Introduite en 1996, elle a permis à de nombreux dossiers de se terminer en plaidoyer de culpabilité, lorsque certains critères sont respectés. Notamment, il faut que la peine soit de moins de 2 ans moins un jour. Il est également important que la situation ne mette pas en danger la sécurité et qu’elle soit conforme aux principes de détermination de la peine. Le juge doit également analyser les facteurs atténuants et aggravants. Chaque cas est unique.
Une décision controversée
Ainsi, ce lundi au Palais de justice de Montréal, le juge Cimon a décidé qu’une peine de 20 mois de prison à domicile était la sentence appropriée pour Jonathan Gravel. Il a pris en compte notamment son faible risque de récidive ainsi que sa réhabilitation. De son côté, la Couronne réclamait 15 mois de prison ferme. Elle clâme que cette décision est un retour en arrière.
Il importe toutefois de clarifier ce que constitue un emprisonnement à domicile. Il ne s’agit pas de vacances comme on pourrait se l’imaginer, en lisant ce qu’on voit sur les médias sociaux. La personne condamnée doit demeurer dans son domicile 24h sur 24, 7 jours sur 7, à l’exception d’une sortie de 2h pour faire des achats, ou encore pour fins de travail et urgence médicale. La personne est surveillée par un agent de surveillance. Elle n’a pas non plus droit à la libération conditionnelle avant la fin de sa peine complète. Aucun loisir ou sortie n’est permis. Il s’agit d’un emprisonnement ferme, mais à la maison plutôt qu’aux frais des contribuables. La personne demeure un actif pour la société, puisqu’elle peut conserver son emploi, le cas échéant.
De mon avis d’avocate de la défense, j’estime que le retour de l’emprisonnement avec sursis est une bonne chose. Jusqu’à récemment, certains individus condamnés étaient privés de cette possibilité de purger leur peine dans la collectivité, à domicile. Ils ne pouvaient y avoir accès même si les facteurs atténuants démontraient que cette peine aurait été adéquate. C’est dorénavant possible, pour ces accusés, d’espérer pouvoir purger leur peine de prison à domicile. Pour ce faire, il doit y avoir une réelle prise de conscience et réhabilitation. Il y a des cas, je crois, où la prison n’est pas nécessaire. On verra d’ailleurs probablement davantage de plaidoyers de culpabilité du côté des accusés dorénavant. Ceci contribuera à éviter de longs procès pénibles à plusieurs victimes.
J’ai eu l’occasion d’en discuter avec Luc Ferrandez dans son émission de radio au 98,5FM hier, le 31 janvier 2023.
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