Les criminologues, les psychologues, les psychiatres n’arrivent pas toujours à évaluer les risques de dangerosité et de violence de leur patient.
Une personne pourra paraître tout à fait normale et adaptée, dans son discours, dans son comportement quotidien, jusqu’au jour où elle bascule dans la violence.
Quelles sont les théories les plus probantes expliquant ce phénomène?
Il faut questionner le lien que l’on fait trop facilement entre la maladie mentale, en particulier celle qui implique une perte de contact avec la réalité comme la schizophrénie et les états psychotiques, et la violence.
La criminalité violente, les homicides en particulier, n’est que rarement le résultat ou la conséquence d’une maladie mentale.
Une méta analyse récente ( Schizophrenia and Violence: Systematic Review and Meta-Analysis ) indique bien que la part de risque de violence la plus importante provient de la toxicomanie, ou de l’alcoolisme.
Cette part de risque serait similaire à celle d’une toxicomanie qui apparaîtrait en comorbidité (En psychiatrie, la comorbidité est la présence simultanée de plusieurs diagnostics.
Elle n’implique pas nécessairement la présence de multiples maladies, mais l’impossibilité d’émettre un seul diagnostic – définition Wikipédia) avec des troubles mentaux impliquant une perte de contact avec la réalité.
Le risque ne serait pas plus important, mais identique.
Ces chercheurs recommandaient aux organismes de gestion de programme de santé publique de se concentrer sur la prévention primaire et secondaire de la toxicomanie, plutôt que sur la « réduction de la violence ».
En fait, il est important de faire la promotion du respect et de la non-violence dans les rapports interpersonnels ou dans le contexte familial.
La culture de la non-violence garde certainement sa place en éducation, dans les médias, sur la place publique.
Ce que les chercheurs disent c’est que, toutes choses étant égales par ailleurs, la violence homicidaire pourrait être significativement réduite si on retirait la toxicomanie et l’alcoolisme du tableau.
Bien entendus, les homicides ne se font pas tous sous influence de consommation de drogue et celle-ci n’explique pas tous les homicides et il n’y a pas de lien causal à faire entre les deux.
Des études signalent la possibilité de corrélations entre le caractère illégal de la consommation, la fréquentation du monde interlope secret, la pauvreté, l’isolement communautaire, et la santé mentale, etc…
Psychose, schizophrénie, sociopathie et psychopathie
Beaucoup de personnes homicidaires médiatisées ne sont pas du tout schizophrènes et ne sont pas nécessairement toxicomanes ou intoxiquées par l’alcool.
Dans un premier temps, il faut garder à l’esprit que pour commettre un homicide sur une personne précise (ce qui exclut l’acte d’agression impulsif), il faut généralement avoir l’esprit organisé.
Or, pour être structuré sur le plan exécutif, il faut un bon contact avec le réel. Par définition, l’état psychotique ne permet pas ce genre de contact ou d’organisation logique.
Les psychopathes, ou les sociopathes peuvent devenir homicidaires, car ils ont ce qu’on appelle dans le jargon des psychologues « un mode opératoire non compatible avec le délire désorganisé. »
Ce qui distingue donc les psychopathes des psychotiques, c’est que les psychopathes visent un objectif. Leur contact avec la réalité suffit pour répondre à la question « À qui profite le crime? »
Le motif de leur crime apparaît en évidence, contrairement aux crimes des criminels, plus rares, en proie à la psychose, au délire hallucinatoire à l’origine de crime « gratuit », mais néanmoins horrible.
Les psychopathes sont des antisociaux amoraux
On retrouve souvent un élément déclencheur à l’origine du crime du psychopathe. Cet élément touche le criminel dans son estime personnelle, dans sa « mission », et cet élément lui fait sentir que le moment est venu pour lui (ou elle) d’agir.
On retrouve ici l’aspect « intéressé », « Organisé » et « prédateur » dans le motif.
Dans le fondement de leur personnalité, les psychopathes sont très intolérants à la frustration, ce sont des « irritables » professionnels qui font de leur irritabilité une raison de vivre, intégrée à leur système de valeurs.
Ainsi, ils ont fréquemment des antécédents pénaux, mais peuvent rarement exhiber des évaluations psychiatriques. Ils sont fiers de ce qu’ils sont et de leur crime.
C’est évidemment l’inverse pour les criminels d’ordre « psychotiques » qui vont plutôt exprimer des remords face à leur crime.
Isolement du psychotique
Notre société est plutôt intolérante face à la maladie mentale et c’est souvent bien malheureux. Des campagnes de sensibilisation permettent au public de mieux connaitre les troubles mentaux.
En brisant l’isolement, en bâtissant une solidarité communautaire, nous avons la possibilité de réduire les taux de criminalité.
En revanche, les réseaux sociaux pourront être utilisés pour identifier les psychopathes, car il arrive souvent que ceux-ci préméditent et cherchent à faire une publicité de leur action, de leur « revendication ».
Il s’agit souvent pour eux de la récompense ultime.
Un article de Dr Rémi Coté, psychologue et psychothérapeute à Montréal
Les propos de cet article n’engagent que son auteur et ne saurait viser des cas précis d’affaire judiciaires précisément médiatisées.