Par : Me Julie Couture | Publié le : 17 août 2020
Un cas particulier a fait la une en Gaspésie dernièrement. Une femme, accusée du meurtre de son mari il y a près de deux décennies, aura finalement droit à un nouveau procès. En effet, la Cour d’appel a révisé celui-ci et tranché en sa faveur. La preuve présentée contre la femme en était une de type « Mister Big ».
C’est quoi, une investigation de type Mister Big?
On qualifie une investigation de type « Mister Big » quand elle a pour but de recueillir des aveux de la part d’une personne suspectée par la police d’avoir commis un meurtre. La stratégie utilisée est de mener la personne suspectée à confesser le meurtre en question au dirigeant d’une organisation criminelle dont elle souhaite être membre. Ce que la personne ne sait pas, c’est que le dirigeant en question est en fait un agent double. Cette technique d’enquête policière, grâce à laquelle certains suspects ont parfois confessé des meurtres aux scénarios hollywoodiens, était très populaire il y a une vingtaine d’années.
Manque de fiabilité
Le problème soulevé par les Tribunaux quant à cette méthode d’enquête est que les garanties d’obtenir un aveu fiable et réel sont relativement faibles. Le suspect se retrouve dans une situation qui perdure pendant des mois. Il croit développer des liens réels avec les agents doubles qui prétendent faire partie d’une organisation criminelle. En dernier lieu, on lui demande de confesser le meurtre suspecté, en guise d’ultime test pour devenir membre de l’organisation.
On ne peut pas écarter la possibilité que la personne confesse quelque chose qu’elle n’a pas fait, que ce soit pour obtenir cette place au sein de l’organisation qu’elle convoite. Ce peut même être simplement par peur de représailles. Le risque de fausse déclaration est bel et bien présent. Les Tribunaux écartent de plus en plus ce type de preuve, justement à cause de son manque de fiabilité.
Or, cette technique policière n’est plus aussi couramment utilisée, la Cour ayant souvent écarté les aveux ainsi obtenus. Il en coûte très cher à l’État de coordonner une telle enquête. Bien souvent, cela n’aboutis à rien car aucune preuve fiable ne peut être utilisée devant les tribunaux. C’est donc peu productif.
Une enquête « Mister Big » en Gaspésie en 1998
C’est néanmoins la méthode qui avait été utilisée, en 1998, pour tirer des aveux à la principale suspecte du meurtre de James Dubé. La femme de la victime, dont la cause a été entendue devant Jury, a été accusée de meurtre avec préméditation. Elle a été condamnée à la prison à perpétuité, sans possibilité de libertation conditionnelle avant onze (11) ans.
Ses avocats ont porté sa cause en appel devant le plus haut tribunal du Québec. Ils jugeaient que les directives données au Jury par le juge du procès étaient erronées. Celui-ci vient de lui donner raison. Ainsi, elle aura droit à un nouveau procès.
Est-ce que la preuve de l’aveu obtenu par la technique « Mister Big » a été mal interprétée par le jury ? Suivant les directives du juge du procès, il s’avère que ce fût difficile de le déterminer. Dans le doute, la Cour d’appel a jugé qu’il était préférable de faire un nouveau procès. Cette fois, le jury pourra être correctement guidé par rapport aux risques liés aux confessions qui découlent des enquêtes de type « Mister Big ». Notre système de justice répugne à condamner des innocents, toutes les mesures doivent être mises en place pour éviter qu’un tel malheur ne survienne.
Le fardeau de la preuve
En droit criminel, le fardeau de preuve est celui du doute raisonnable. Celui-ci repose toujours sur les épaules de la poursuite, qui doit prouver les accusations qu’elle avance hors de tout doute raisonnable. On ne peut accepter que des directives erronées soient données par le juge d’un procès. Permettre de telles erreurs de droits équivaudrait à faire preuve de être laxisme. La primauté du droit et notre société démocratique exigent que des procès équitables et justes soient tenus. C’est à cela que veille la Cour d’appel et les avocats qui défendent vos droits. Vous avez droit à un procès respectant toutes les règles. Pour cette dame, c’est ce que ses avocats ont défendu, et la Cour d’Appel leur a donné raison.
Par conséquent, cette femme aura droit à un nouveau procès, qui aura lieu devant un nouveau juge et devant un nouveau jury. Elle pourrait être acquittée cette fois, plus de vingt ans après la mort de son mari. Quoi qu’il arrive, elle sera jugée cette fois en toute équité. Elle recevra une défense pleine et entière, dans le respect de ses droits.
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