Droit criminel

Des précisions sur l’arrêt Jordan avec l’arrêt Cody

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Un peu moins d’un an après avoir rendu l’arrêt  R. c. Jordan, qui a causé une onde de choc au système judiciaire canadien, la Cour suprême du Canada apporte des précisions quant au calcul des délais établis dans l’affaire R. c. Jordan.  D’ailleurs, nous avons relaté la nomination de nouveau juges au Québec  en relation avec cet événement judiciaire.

Alors que plusieurs réclamaient un assouplissement des délais, la Cour suprême du Canada a plutôt réitéré les règles établies dans l’arrêt Jordan. Cette fois à l’unanimité, elle signe « la Cour », le tout récent arrêt R. c. Cody rendu en ce 16 juin 2017.

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Les juges dans l’arrêt Cody (image Droit Inc)

Résumé du cas de monsieur Cody

Dans l’affaire R. c. Cody entendu le 25 avril 2017, monsieur Cody avait été arrêté en janvier 2010 dans le cadre d’une opération policière nommée « Razorback ».

Il s’agissait d’une enquête pour trafic de drogue. Au cours de l’enquête, les policiers ont fouillé la voiture de monsieur Cody et ont trouvé de la marijuana, de la cocaïne et un pistolet à impulsion électrique.

Monsieur Cody a donc été inculpé de deux chefs de possession de stupéfiant en vue d’en faire le trafic et d’un chef de possession. Arrêté le 12 janvier 2010, son procès devait finalement commencer plus de 5 ans plus tard, soit le 26 janvier 2015.

Ce délai dépassant manifestement le cadre des plafonds établis dans l’arrêt R. c. Jordan, la Cour suprême du Canada a rétabli l’arrêt des procédures qui avait été rendu en première instance.

Quels plafonds?

Depuis juillet 2016, la Cour suprême du Canada a établi des plafonds que les cours inférieures doivent respecter dans le traitement des dossiers.

Ces plafonds varient selon l’instance devant laquelle le procès devra avoir lieu. Dans le cas d’un procès devant une cour provinciale, le plafond est de 18 mois alors que lorsqu’il est question d’un procès devant une cour supérieure, le plafond a été situé à 30 mois.

Quelles sont les étapes pour vérifier si le délai est déraisonnable?

Afin de déterminer si le délai de traitement judiciaire d’un dossier est déraisonnable, il ne faut pas seulement regarder le délai total. En effet, certains délais devront être soustraits du délai total.
Voici les étapes à suivre il faut:

  • Calculer le délai total de la mise en accusation à la date de procès de l’accusé;
  • Soustraire à ce délai, les DÉLAIS IMPUTABLES À LA DÉFENSE;
  • Comparer le délai obtenu aux plafonds établis;
  • Vérifier s’il y a présence de circonstances exceptionnelles.

Les délais imputables à la défense

Premièrement, la défense peut renoncer à invoquer une portion du délai en l’énonçant clairement et sans équivoque. Celui-ci sera alors déduit du délai total.

Deuxièmement, lorsque le délai est causé uniquement ou directement par la conduite de la défense, il devra également être déduit.

Toutefois, en ce qui concerne ce deuxième volet, il faut être vigilant. Ce ne sont pas tous les délais causés par la conduite de la défense qui seront soustraits au délai total.

Il faut tenir compte des exigences de préparation et présentation de l’accusé. Le délai sera plutôt soustrait lorsque

  • Il est causé uniquement ou directement par l’accusé et
  • Il découle d’une mesure prise illégitimement par la défense dans la mesure où elle ne vise pas à répondre aux accusations.

Ont été cités comme exemples des cas où la défense avait des demandes frivoles ou encore lorsque la poursuite et la Cour sont prêts à procéder et que la défense retarde le processus.

Ce sera également le cas lorsque le comportement de la défense ne vise qu’à retarder l’instance ou encore si elle témoigne d’une « inefficacité ou indifférence marquées à l’égard des délais » (Cory para 33).

La qualification des délais causés par la défense est tout à fait discrétionnaire au juge.

La conséquence d’un délai déraisonnable

Lorsque le délai dépasse le seuil établi par la Cour suprême du Canada, il est alors présumé déraisonnable. La poursuite devra alors prouver qu’il y avait des circonstances exceptionnelles dans le dossier qui ont causé ce délai.

Les circonstances exceptionnelles invoquées par la poursuite

Les circonstances exceptionnelles ont été définies dans l’arrêt R. c. Jordan comme étant :

  • Raisonnablement imprévues ou raisonnablement évitables ou;
  • Comme des circonstances qui ont pour résultat que l’avocat du ministère public ne peut raisonnablement remédier aux délais lorsqu’ils surviennent.

Ces circonstances se divisent en deux catégories soit les événements distincts et les affaires particulièrement complexes.

Il est également possible de tenir compte de considérations d’ordre transitoire dans les cas où l’affaire était déjà en cours lorsque l’affaire Jordan a été tranché.

Les affaires particulièrement complexes

À l’égard des affaires particulièrement complexes, la Cour a déterminé qu’il s’agit d’une affaire qui « eu égard à la nature de la preuve où des questions soulevées, exige un procès ou une période de préparation d’une durée exceptionnelle ».

Toutefois, dans R. c. Cody, elle a eu l’opportunité de se prononcer et elle a maintenu que « la preuve volumineuse ne démontre pas automatiquement la complexité de l’affaire.

Dans ce cas ce n’est pas le cas ». En appliquant cela au cas d’espèce, la Cour suprême du Canada a déterminé qu’il ne s’agissait pas d’un cas exceptionnel et ce, malgré la présence d’une preuve très volumineuse de plus de 20 000 pages figurant sur deux CD.

La considération d’ordre transitoire

II faut considérer l’ordre transitoire seulement lorsque les poursuites ont été intentées avant l’arrêt Jordan. À ce moment, les avocats sont présumés s’être fiés à l’ancien plafond de l’arrêt R. c Morin. Dans cet ancien cadre, le préjudice subi et la gravité de l’infraction jouaient des rôles décisifs.

Dans R. c. Cody, la Cour note qu’il faut tenir compte dans l’évaluation des délais des portions d’instance qui ont eu lieu avant et après l’arrêt Jordan de juillet 2016.

Le résultat
Si la poursuite ne réussit pas à prouver la présence de circonstances exceptionnelles, la réparation du non-respect de l’article 11 b) de la Charte canadienne des droits et libertés, soit le droit d’obtenir un procès dans un délai raisonnable, est l’arrêt des procédures judiciaires.

Ce qu’il faut retenir de R c. Cody

En rendant cet arrêt, la Cour maintient la rigueur du changement amorcé en juillet 2016.

Elle réitère que tous les acteurs du monde judiciaire se doivent de faire des efforts afin de réduire les délais de procédures en matière criminelle qui étaient devenus laconiques.

La Cour a d’ailleurs fait quelques propositions qui pourraient être adoptées plus pro activement par les juges de première instance :

  • Un tribunal peut refuser une demande d’ajournement pour le motif qu’il en résulterait un délai intolérablement long (Par. 37);
  • Avant de permettre qu’une demande ne soit entendue, le juge peut demander les chances raisonnables de succès ainsi qu’un résumé de la preuve et rejeter sommairement si ce n’est pas suffisant. (Para 38);
  • Une demande de récusation est le genre de demande frivole qui peut être rejeté. (Para 42)

Ainsi, la Cour dans l’arrêt R c. Cody confirme à l’unanimité que les délais établis dans l’arrêt Jordan doivent être respectés et que ce n’est pas près de changer!

Si vous croyez être confronté à des délais déraisonnables dans votre dossier, n’attendez pas! Consultez Me Julie Couture au 514-AVO-CATE, une équipe professionnelle saura vous conseiller.

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