Dans le procès mettant en scène le docteur Turcotte, cardiologue, accusé d’avoir tué ces deux enfants, geste qu’il a admis avoir commis, l’intoxication volontaire de l’accusé aurait-elle pu être une défense à invoquer? En effet, l’accusé affirme avoir volontairement ingurgité du liquide lave-glace afin de mettre fin à ces jours.
En droit criminel, l’intoxication volontaire peut être un moyen de défense. Par contre, ce moyen de défense ne peut pas être invoqué pour tous les crimes et le degré d’intoxication influe sur la possibilité d’invoquer cette défense.
Intoxication volontaire
En effet, il est possible d’invoquer l’intoxication volontaire pour se défendre d’un crime qui requiert une intention spécifique alors que ce n’est pas possible pour un crime d’intention générale. En vertu de la trilogie R. c. Robinson, R. c. McMaster et R. c. Lemky de la Cour suprême du Canada et confirmée dans la R. c. Daley en 2007 par la même Cour, la question à se poser est de savoir si l’accusé avait l’intention véritable au moment de commettre l’infraction, et non plus sur sa capacité de former ou non l’intention tel qu’il était le cas auparavant. La Poursuite doit donc prouver hors de tout doute raisonnable que l’accusé avait l’intention requise au moment de l’infraction.
Il y a trois degrés d’intoxication en droit.
Tout d’abord, il y a l’intoxication légère qui n’est pas suffisante pour constituer un moyen de défense. Ensuite, il y a l’intoxication avancée qui fait en sorte que l’accusé est dans un état tel qu’il n’a pas l’intention spécifique pour commettre l’infraction. Cependant, selon le type de crimes, le degré d’intoxication requis peut varier. Par exemple, dans les cas d’homicide, le degré exigé sera différent selon le type d’homicide. Enfin, il y a l’intoxication extrême qui fait en sorte que l’état de l’accusé s’apparente à de l’automatisme. L’intoxication extrême peut être invoquée seulement pour les crimes non violents et est rarement invoquée. En effet, suite à l’arrêt Daviault rendue en 1994 par la Cour suprême du Canada et qui rendait possible la défense d’intoxication extrême pour les crimes d’intention générale puisque l’accusé se trouvait dans un état équivalent à l’automatisme, le législateur a modifié le Code criminel (art. 33.1) afin de priver les personnes intoxiquées volontairement de la défense d’intoxication extrême lorsqu’elles sont accusées de crimes dont l’un des éléments est l’atteinte ou la menace d’atteinte à l’intégrité physique ou toute forme de voies de fait dont les crimes sexuels.
Pour que le juge du procès donne des directives au jury sur l’intoxication de l’accusé, il doit être convaincu que l’intoxication a eu un effet tel que l’accusé n’a pu prévoir les conséquences de ses gestes de manière suffisante à créer un doute raisonnable. En effet, le juge doit demander au jury de tenir compte de l’intoxication alléguée lors de la détermination de la décharge par la poursuite de son fardeau de prouver l’intention requise soit son intention véritable au moment de l’infraction.
En ce qui a trait au procès du docteur Turcotte, ce dernier étant accusé de meurtre avec préméditation (meurtre au 1er degré), il serait possible d’invoquer l’intoxication volontaire afin de nier la présence de l’intention spécifique au moment de l’infraction. Une preuve de psychiatrie comme quoi les gestes étaient involontaires serait nécessaire. Par contre, cela aurait simplement pour effet de réduire l’accusation de meurtre à celle d’homicide involontaire coupable, ce qui n’éviterait pas l’emprisonnement au docteur Turcotte.
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