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Leurre informatique : les risques associés aux réseaux sociaux et internet

ales nesetril Im7lZjxeLhg unsplash

Par : Me Julie Couture | Publié le : 12 janvier 2023

leurre informatique
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Qu’est-ce que le leurre informatique ?

Le leurre informatique est une infraction criminelle d’ordre sexuel qui est commise lorsqu’une personne entre en communication avec un(e) mineur(e) à l’aide de moyens technologiques. La conversation a lieu dans l’intention de commettre une infraction sexuelle sur la personne mineure. Cela peut être fait par texto, via les médias sociaux, par messagerie directe ou clavardage.

Internet et les réseaux sociaux peuvent sembler être un monde d’infinies possibilités pour les jeunes qui ont grandi avec ces outils, un téléphone intelligent à la main. Cela dit, il s’agit malheureusement également d’un terrain de jeu propice au leurre informatique pour des individus mal intentionnés. Il est primordial d’éduquer les jeunes à ce sujet et de les sensibiliser à s’en protéger.

LES CRITÈRES QUI MÈNENT À UNE CONDAMNATION

L’individu qui commet cette infraction se cache généralement sous une fausse identité, que ce soit en changeant son nom ou encore en utilisant des photos trompeuses. Ce faisant, il lui est plus facile d’entrer en contact avec des mineurs sur les réseaux sociaux, protégé par l’anonymat.

Le premier critère qui peut mener à une condamnation pour leurre informatique est la connaissance que l’autre personne est âgé(e) de moins de 18 ans. Les filtres, applications et maquillages peuvent certes modifier l’apparence des jeunes et les faire paraître plus vieux que leur âge. Malgré qu’il soit difficile de discerner l’âge réel de qui que ce soit sur internet et les médias sociaux, c’est l’âge réel qui importe. La différence d’âge entre l’adulte et la personne mineure n’a pas d’importance.

Le second critère concerne plutôt l’intention derrière la conversation et la connotation sexuelle de celle-ci. Le leurre informatique est une infraction criminelle d’ordre sexuel au sens de la loi. Il faut donc que l’intention derrière la conversation soit d’ordre sexuel. Par exemple, un clavardeur adulte pourrait demander à une personne mineure de lui envoyer des photos de parties intimes de son corps. Il pourrait aussi lui envoyer lui-même des photos ou vidéos à caractère sexuel. Certains individus demandent à des jeunes de se livrer à des activités sexuelles devant leur écran. Il arrive parfois que ces échanges aboutissent à des propositions de rencontres en personne. Ces exemples font tous figure de leurre informatique. Tout échange à caractère sexuel entre un(e) adulte et un(e) mineure est un acte criminel.

En matière criminelle, la culpabilité d’un individu doit être prouvée hors de tout doute raisonnable. Cela s’applique également au leurre informatique. Voici un très bon exemple à ce sujet.

PROCÈS EN COUR SUPRÊME POUR LEURRE INFORMATIQUE

En 2019, dans cet arrêt de la Cour suprême du Canada, La Reine c. Morrison, celle-ci a statué à l’unanimité qu’une portion de l’article du Code criminel concernant le leurre était inconstitutionnelle, parce qu’elle violait la présomption d’innocence. Dans cette cause, Monsieur Morrison avait été accusé de leurre après avoir publié une annonce en ligne disant qu’il recherchait une « petite fille ». Une agente de police s’est alors fait passer pour une jeune fille de 14 ans au nom de Mia et a correspondu avec lui pour le piéger. L’homme et la policière ont entretenu des conversations à connotation sexuelle pendant deux mois. À un certain moment, Monsieur Morrison a demandé à Mia de se toucher de manière sexuelle et lui a proposé de se rencontrer en personne. Il fut donc déclaré coupable de leurre informatique.

L’homme a prétendu lors de son procès que son droit à la présomption d’innocence avait été violé. En effet, il avait été déclaré coupable malgré que le juge conservait un doute raisonnable sur la question des croyances relatives à l’âge. Monsieur affirmait réellement croire que Mia avait 18 ans. La présomption établie dans la loi faisait en sorte qu’un individu pouvait être reconnu coupable même si le juge avait un doute raisonnable quant à savoir si l’individu croyait que l’autre personne n’avait pas atteint l’âge légal. Cela violait la présomption d’innocence.

L’IMPORTANCE DE LA PRÉSOMPTION D’INNOCENCE

Nous le répéterons toujours : le droit à la présomption d’innocence est un droit qui est garanti par la Charte canadienne des droits et libertés. L’homme a défendu son droit en affirmant qu’il croyait fermement communiquer avec une femme adulte. Toutefois, cette croyance réelle ne peut qu’être démontrée et prouvée par la prise de mesure raisonnables de la part de Monsieur Morrison pour connaître l’âge réel de Mia.

La Cour suprême a conclu que le droit à la présomption d’innocence invoquée par le défendeur avait été violé, mais indique tout de même qu’elle estime qu’il n’avait pas pris toutes les mesures raisonnables pour connaître l’âge réel de Mia. Toutefois, les juges ont conclu que le simple fait de prouver que M. Morrison n’avait pas pris de mesures raisonnables ne suffisait pas, en soi, à faire déclarer ce dernier coupable. La déclaration de culpabilité fut annulée et la tenue d’un nouveau procès ordonnée.

LES PEINES APPLICABLES AU LEURRE INFORMATIQUE

Émanant de la cybercriminalité, le leurre est prévu à l’article 172 (1) a) du Code criminel :

172.1(1) Commet une infraction quiconque communique par un moyen de télécommunication avec :

a) une personne âgée de moins de dix-huit ans ou qu’il croit telle, en vue de faciliter la perpétration à son égard d’une infraction visée au paragraphe 153(1), aux articles 155, 163.1, 170, 171 ou 279.011 ou aux paragraphes 279.02(2), 279.03(2), 286.1(2), 286.2(2) ou 286.3(2);

b) une personne âgée de moins de seize ans ou qu’il croit telle, en vue de faciliter la perpétration à son égard d’une infraction visée aux articles 151 ou 152, aux paragraphes 160(3) ou 173(2) ou aux articles 271, 272, 273 ou 280;

c) une personne âgée de moins de quatorze ans ou qu’il croit telle, en vue de faciliter la perpétration à son égard d’une infraction visée à l’article 281.

Code criminel

Si une accusation est portée au criminel, la peine maximale sera de 14 ans. Quant à elle, la peine minimale sera de un (1) an.

Si l’accusation est faite par voie sommaire, la peine maximale sera de deux (2) ans moins un jour. La peine minimale, elle, sera de 6 mois.

DES QUESTIONS ? BESOIN D’UN AVOCAT ?

Si vous faites face à des accusation de leurre, Couture Avocats est là pour vous défendre sans aucun jugement. Nous vous accompagnerons avec soutien et bienveillance tout au long du processus judiciaire. N’hésitez pas à communiquer avec nous pour un premier rendez-vous.

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