Moyen de défense de contrainte admissible pour des infractions graves
Nicole Patricia Ryan faisait l’objet d’accusation suivant l’al. 464a) du Code criminel, soit d’avoir conseillé la perpétration d’une infraction qui n’a pas été commise. Dans les faits, Madame Ryan a payé un agent d’infiltration de la GRC qui se faisait passer pour un tueur à gage.
Le mandat qu’elle avait confié à ce dernier, tuer son mari.
Ceci étant dit, Madame Ryan avait manifestement commis l’infraction prévue au code criminel. Les juges devaient maintenant voir si dans le contexte factuel, elle pouvait plaide la défense de contrainte.
La défense de contrainte se basait sur le fait que Madame Ryan craignait pour sa vie et celle de sa propre fille. Son mari était violent et dirigeait constamment des menaces de mort ou de lésions à l’endroit de Madame Ryan et de sa fille.
La Cour du Québec avait acquitté Madame Ryan croyant ses motifs la menant à commettre l’infraction et concluant qu’il s’agissait d’une défense de contrainte. La Cour d’appel avait confirmé la décision du premier juge.
La Cour suprême vient cependant de renverser ces décisions dans son jugement du jour. (Référence R. c. Ryan [2013] CSC 3) Madame Ryan est toutefois libre de toute accusation puisqu’un arrêt des procédures a été prononcé. Elle n’aura pas à subir un nouveau procès. Le juge Fish était dissident sur ce point.
DISTINCTION AVEC LA LÉGITIME DÉFENSE
La défense de contrainte a été précisée par la Cour suprême. Cette dernière souhaite réitérer et établir la distinction entre la contrainte et la légitime défense en tant que principes juridiques distincts.
La contrainte constituant une excuse : la personne est excusée de ses gestes puisqu’elle n’avait pas d’autre choix. La légitime défense est le fait de répondre à la force par la force et qu’il était « légitime » de le faire.
La Cour suprême dira ainsi que la légitime défense devrait être plus simple à invoquer. En effet, si des gestes ne sont pas jugés comme ayant été commis en défense à une attaque, ils constitueraient encore moins une défense de contrainte. Donc si la défense de légitime défense ne passe pas, celle de contrainte, encore moins.
LA DÉFENSE DE CONTRAINTE ÉCLAIRCIE
La défense de contrainte n’est admissible que dans le cas précis suivant : être forcé de commettre une infraction précise à des menaces de mort ou de lésions. La common law régit la défense de contrainte pour les participants à l’infraction et la législation prévoit spécifiquement la situation juridique pour l’auteur de l’infraction.
Une série d’infractions sont exclues dans la loi, pour lesquelles la défense de contrainte ne peut être utilisée.
Les critères peuvent être listés ainsi pour l’application de la défense de contrainte.
1) La menace doit être explicite ou implicite ;
2) La menace doit être immédiate ou future et non passée;
3) La menace doit viser l’accusé ou un tiers;
4) Il doit exister des motifs raisonnables de croire que la menace sera mise à exécution, en d’autres mots il s’agit de l’analyse du caractère sérieux de celle-ci;
5) Il doit y avoir une analyse objective modifiée des moyens de s’en sortir sans danger.
Le dernier point étant au surplus précisé par la décision comme devant inclure un lien temporel étroit entre la menace et le préjudice qu’on menace de causer. Qui plus est, il doit y avoir une proportionnalité entre le préjudice qui fait l’objet de la menace et le préjudice qui va être causé à celui qui a fait la menace.
Au final, dans l’analyse du caractère proportionnel entre la menace et les actes infligés à l’auteur de la menace, les gestes ne doivent pas intervenir dans le cadre d’une association ou un complot.
Il s’agit d’une procédure analytique très détaillée. L’application aux faits demeurera complexe et sera sujette à de multiples interprétations et argumentations. Chaque cas demeure un cas d’espèce.
ARRÊT DES PROCÉDURES
L’arrêt des procédures est prononcé car l’accusée a souffert de mauvais traitements infligés et des longues procédures. De plus, la non-clarté de la situation juridique de Madame Ryan rendait sa défense pleine et entière ardue.
Le juge Fish dissident aurait lui aussi annulé l’acquittement pour les motifs que la défense de contrainte était inapplicable aux faits de l’affaire, mais n’aurait pas ordonné l’arrêt des procédures. Un nouveau procès aurait été ordonné, mais le message est lancé aux procureurs de la poursuite de juger s’il était dans l’intérêt public de poursuivre les accusations !!