C’est maintenant tranché, les dispositions du Code civil du Québec qui concernent le mariage et l’union civile respectent la Charte canadienne des droits et libertés. La loi ne sera donc pas modifiée, contrairement à ce que la Cour d’appel avait décidé en novembre 2010.
Ainsi, les conjoints de fait, au moment de la rupture, n’ont pas droit aux mêmes protections que les couples mariés ou unis civilement tels que la pension alimentaire ou le partage du patrimoine familial.
Si la décision St-Onge Lamoureux rendue le 2 novembre dernier par la Cour suprême était l’une des décisions les plus attendues ces dernières années en droit criminel, relativement à l’alcool au volant, la décision rendue ce matin dans la fameuse saga Éric contre Lola était sans conteste le jugement attendu en droit de la famille.
Une décision très attendue par les couples québécois en union libre
Il s’agit probablement de la décision la plus importante de la dernière décennie, puisqu’elle touche directement environ 30% des couples québécois, soit plus d’un million de personnes.
La question que la Cour suprême devait trancher pouvait se résumer ainsi :
Est-ce que le peuple québécois préfère que les individus qui font le choix de ne pas se marier renoncent du même coup aux protections légales qu’offre le mariage au conjoint moins fortuné, ou, au contraire, ces protections devraient être données automatiquement aux conjoints de fait aussi afin de protéger les plus vulnérables ?
Le débat de l’union civile
La question n’était pas simple et un débat de société avait été lancé, il y a une dizaine d’années, lorsque Lola avait introduit sa demande en Cour supérieure.
Certains craignaient que le choix de ne pas se marier ne devienne que symbolique alors que d’autres considéraient injuste qu’un couple qui vit ensemble comme un couple marié se retrouve sans recours.
L’affaire Eric et Lola à l’origine du débat
Toute cette histoire a débuté au moment de la séparation entre Lola, une mannequin ayant de la difficulté à trouver un emploi, et Éric, un milliardaire québécois subvenant aux besoins de celle-ci ainsi qu’à ceux de leurs 3 enfants.
Bien qu’Éric devait déjà verser une généreuse pension alimentaire à Lola pour les enfants, celle-ci se trouvait dans la situation où aucune pension n’était versée pour elle-même.
Lola qui avait vécu ces dernières années dans un luxe inimaginable se retrouvait alors sans revenu et, bien sûr, très loin des avantages financiers qu’elle avait pu connaître au cours de sa relation avec Éric.
Le cas du couple marié
Si elle avait été mariée, la situation eût été complètement différente puisque plusieurs articles du Code civil québécois régissent le partage des biens au moment d’une rupture entre conjoints mariés ou unis civilement.
La différence québécoise
À ce chapitre, le Québec est plutôt original. Notre province se distingue du reste du Canada sur deux aspects :
- C’est au Québec que l’on trouve le plus grand nombre de conjoints de fait.
- Le Québec est la seule province canadienne qui n’accorde pas une pension alimentaire aux conjoints de fait qui se séparent.
Ce que dit le code civil du Québec ?
L’article 585 du C.c.Q. indique que:
“les époux et conjoints unis civilement de même que les parents en ligne directe au premier degré se doivent des aliments.”
C’est autour de ce court article qu’une grande partie du débat s’est jouée puisque les arguments de Lola étaient à l’effet que cet article était discriminatoire puisqu’il créait une situation différente selon la situation matrimonial de chacun.
En effet, la Charte canadienne des droits et libertés, au premier paragraphe de son article 15, énonce :
“La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.”
Notons que même si cet article ne parle pas de la situation matrimoniale, il ne s’agit pas d’une liste exhaustive, les exemples énumérés dans l’article ne sont donc pas les seuls critères qui peuvent mener à de la discrimination. La situation matrimoniale, par exemple, aurait aussi pu être nommée dans cet article.
Est-ce que certains articles du Code civil du Québec sont discriminatoires ?
Les arguments de Lola ont convaincu 5 des 9 juges de la Cour suprême que oui, il y avait une discrimination entre les couples mariés ou unis civilement et les conjoints de fait. Toutefois
- 3 de ces 5 juges considèrent qu’une partie de ces articles de loi, même s’ils sont discriminatoires, sont justifiés dans une société libre et démocratique.
En fait, ils croient que seule la pension alimentaire devrait être accordée aux conjoints de fait. - Les 2 autres juges ont une opinion diamétralement opposée.
Alors que l’un croit que tous les articles sont justifiés malgré la discrimination, l’autre juge pense que la discrimination n’est justifiée pour aucun des articles en litige.
Une décision serrée, la loi reste inchangée
Bref, il s’agit d’une décision extrêmement serrée, mais qui fait en sorte que la loi reste inchangée. Les conjoints de fait n’ayant pas le même régime que les couples mariés ou unis civilement, ont tous intérêt à s’informer auprès des professionnels du droit afin de connaitre les conséquences d’une éventuelle rupture et éviter la catastrophe financière.
Couture avocats 514 AVO-CATE
Merci pour ces infos. Je pense que c’est un grand débat entre des idées de « mariage » et de « union civile » ou « union libre ». Mais est-ce que c’est une possibilité d’avoir la pension alimentaire avec une union libre, comme un mariage? C’est un problème intéressant.