Droit criminel, Droit et technologie

L’écoute électronique comme méthode d’enquête policière

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Attention! On vous écoute peut-être:

Hercule Poirot et Sherlock Holmes n’existent pas!

De nos jours les enquêteurs bénéficient grandement des avancements scientifiques et technologiques des dernières décennies. Ils ont à leur disposition les techniques d’analyse de l’ADN, de l’analyse balistique et des méthodes de surveillance électronique très sophistiquées.

En effet, la surveillance électronique joue maintenant un rôle de premier plan dans le contexte d’enquêtes policières.

La technologie reliée à l’écoute électronique est tellement avancée qu’elle fait partie intégrante des méthodes d’enquête de la police. Ainsi, l’écoute électronique est devenue une méthode d’obtention de preuves très privilégiée.

Cette réalité est fort intéressante pour la police mais qu’advient-t-il du droit à la vie privée qui nous est conféré par la Charte canadienne ? L’expectative du droit à la vie privée est un droit qui nous est cher à titre de citoyen d’une société libre et démocratique. C’est pour cette raison que le Code criminel prévoit un encadrement législatif complet en ce qui a trait à l’utilisation des différentes méthodes de surveillance électronique. Cet encadrement vise à atteindre un juste équilibre entre nos droits constitutionnels et la nécessité pour l’État de combattre le crime en menant des enquêtes criminelles.

La Cour suprême a clairement établi que « la surveillance électronique d’un particulier par un organe de l’État constitue une fouille, une perquisition ou une saisie abusive au sens de l’article 8 de la Charte. » L’encadrement législatif prévu à la partie VI du Code criminel se donne comme objectif d’empêcher la police, à sa seule discrétion, de décider d’enregistrer et de conserver les paroles d’un individu.

La partie VI du Code prévoit la procédure à suivre afin que la police puisse exercer son pouvoir d’intercepter des communications privées. Examinons dans un premier temps l’étendue de cette procédure.

L’encadrement législatif de l’interception des communications privées

Mentionnons au départ que l’interception des communications privées est une infraction punissable par un emprisonnement maximal de 5 ans. On parle d’interception lorsqu’une personne, ne prenant pas part à la communication privée, l’enregistre au moyen d’un dispositif technique.

Pour que la police puisse intercepter une communication privée sans commettre une infraction punissable, elle doit suivre les dispositions des articles 185 et 186 du Code criminel.

Ces articles prévoient que les enquêteurs doivent obtenir une autorisation judiciaire afin de pouvoir procéder légalement à l’interception de communications privées.

Cette autorisation ne peut être accordée que pour la liste des crimes prévue à l’article 183 C.cr., par exemple, le trafic d’armes, l’entrave à la justice et l’agression sexuelle.

La demande écrite doit être accompagnée d’une déclaration assermentée de l’agent de police qui demande l’autorisation. Les documents présentés à l’appui de la demande d’autorisation doivent établir la nécessité d’avoir recours à l’écoute électronique. Le demandeur doit démontrer qu’il n’existe aucune autre méthode d’enquête raisonnable.

Les informations incluses dans cette déclaration seront les éléments pris en considération par le juge afin de déterminer si l’octroi de l’autorisation favorise la saine administration de la justice ou non.

Ainsi, l’agent de police doit notamment indiquer les faits qui, selon lui, justifient l’autorisation. Il doit décrire l’infraction alléguée et expliquer en quoi l’autorisation d’interception est le seul moyen efficace pour recueillir la preuve. L’article 185 du C.cr. prévoit aussi qu’il faut mentionner si d’autres méthodes d’enquête ont ou non été essayées, si elles ont ou non échouées ou si elles ont peu de chances de succès. Si tel est le cas, l’agent de police peut indiquer que, vu l’urgence de la situation il ne serait pas pratique de mener l’enquête en n’utilisant que les autres méthodes d’enquête.

Le juge n’accordera l’autorisation que si deux conditions sont remplies, (1) il doit être convaincu qu’il n’existe pas une autre méthode pour recueillir l’information et (2) que l’autorisation servira à la saine administration de la justice.

L’autorisation est accordée pour une période de 60 jours et permet l’installation, l’entretien et l’enlèvement du dispositif. L’autorisation peut aller jusqu’à 1 an dans le cas d’une organisation criminelle ou d’une infraction de terrorisme.

La partie VI du Code assure une protection de nos droits constitutionnels en assujettissant les pouvoirs d’interception de la police à un officier de la justice impartial qui doit être convaincu qu’un crime a été commis (ou sera commis) et que l’interception de communications privées est le seul moyen de recueillir des preuves à cet effet.

La surveillance participative

Nous avons vu que « l’interception » d’une communication privée, au sens du Code, nécessite l’intervention d’un tiers. On comprend donc qu’on ne commet pas une infraction si on enregistre une conversation à laquelle on prend part.

Le Code prévoit qu’une interception est légale, même en l’absence d’une autorisation judiciaire, si l’un des participants consent, au préalable, à ce que la communication privée soit enregistrée.

Dans ces deux cas on parle de surveillance participative et le Code ne prévoit aucune mesure restrictive à ce type de surveillance.

Cela implique-t-il que la police se voit libre, à sa seule discrétion, d’utiliser un agent de l’État qui consent à ce que sa communication privée avec un suspect soit interceptée et enregistrée?

Fort heureusement la Cour suprême enseigne que même si la surveillance participative est légale selon les dispositions du Code, elle demeure néanmoins inconstitutionnelle car elle viole les droits garantis par l’article 8 de la Charte. En effet, la Cour a décidé que la surveillance participative équivaut à une fouille, à une perquisition ou à une saisie abusive à moins que tous les participants à la communication privée n’aient consenti. Il en résulte donc que la police ne peut procéder à une surveillance participative qui soit légale et constitutionnelle sans préalablement obtenir une autorisation judiciaire.

À la suite de ce jugement de la Cour suprême, le législateur a encadré l’admissibilité en preuve des communications interceptées lorsqu’il y a surveillance participative impliquant un agent d’infiltration. En effet, l’objectif de l’article 184.1 C.cr. vise à encadrer la protection d’une personne ayant consenti à l’interception de la communication. La communication sera admissible en preuve lorsqu’un agent de l’État aura des motifs raisonnables de croire qu’il existe un risque de lésions corporelles. Comme l’a déterminé la Cour suprême, puisqu’il n’y a pas d’autorisation judiciaire à l’interception de la communication, cette dernière ne respecte pas les exigences constitutionnelles de l’article 8 de la Charte canadienne. Ainsi, le contenu sera admissible en preuve seulement lorsqu’il y aura un risque de lésions corporelles contre un agent d’infiltration dans des procédures relatives à l’infliction, à la tentative ou aux menaces de lésions corporelles.

Qu’arrive-il lorsque la demande vise l’interception des communications dans un bureau d’avocat?

La demande d’autorisation doit indiquer le lieu où la police propose d’intercepter la communication privée.

Lorsque la demande vise le cabinet d’un avocat, sa résidence ou tout autre endroit lui servant ordinairement pour la tenue de consultations avec ses clients, le juge doit refuser d’émettre l’autorisation.

Cependant, l’article 186(2) C.cr. prévoit que l’autorisation peut être accordée s’il y a des motifs raisonnables de croire que l’avocat lui-même, un autre avocat de son cabinet, un employé ou une personne habitant sa résidence participe ou s’apprête à participer à l’infraction reprochée.

Il ne peut en être autrement puisque le respect du secret professionnel et le droit à la confidentialité sont la pierre angulaire du droit à une défense pleine et entière. Si la police pouvait obtenir une autorisation d’écoute électronique sans démontrer ces éléments, cela mettrait en péril la saine administration de la justice.

Si le juge accorde l’autorisation en vertu de l’article 186(2) C.cr., il doit s’assurer que les communications qui tombent « sous le sceau du secret professionnel » seront protégées. Ainsi, l’article 186(3) C.cr. prévoit que le juge doit inclure dans l’autorisation, les modalités pour protéger les communications dites « privilégiées ».

Une autre question se pose alors : « Qu’arrive-t-il des communications confidentielles qui se tiennent à l’extérieur de ces lieux? »

Dans l’arrêt Blais, suite à l’arrestation de l’accusé, la police avait obtenu une autorisation d’interception des communications privées de l’accusé dans quatre pavillons du centre de détention ainsi que dans le centre de visite. L’accusé soumettait que le téléphone du centre de détention était « un endroit qui sert ordinairement à l’avocat pour la tenue de consultations avec des clients » ce qui rendait l’interception de sa communication privée inadmissible puisqu’elle contrevenait aux dispositions de l’article 186(2) C.cr.

Le juge a conclu que même si les détenus utilisent les téléphones du centre de détention pour consulter un avocat, cela ne fait pas en sorte que les téléphones du centre de détention deviennent un « endroit » ordinairement utilisé par un avocat pour la tenue de consultations.

Le langage utilisé à l’article 186(2) met l’emphase sur le lieu où l’avocat se trouve ordinairement lors de consultations et non où le client peut, peut-être, se trouver. En conséquence, la salle d’entrevue dans une prison ainsi que le téléphone cellulaire de l’avocat sont des endroits qui servent ordinairement à la tenue de consultations au sens de l’article 186(2) C.cr.

L’arrêt Robillard, résume bien l’état du droit sur la question :
On ne saurait oublier qu’aux paragraphes 186 (2) et (3) du Code criminel, le législateur a interdit l’écoute clandestine des communications privées entre un client et son avocat sauf s’il existe des motifs raisonnables de croire que l’avocat est impliqué dans une infraction et même dans ce cas, le législateur exige que le juge autorisateur s’assure que les communications « sous le sceau du secret professionnel » soient protégées.

Le législateur n’a jamais voulu que les communications privées au bureau de l’avocat puissent être écoutées tant qu’elles ne sont pas « privilégiées ». Les communications « privées » sont définies à l’article 183 du C.cr. : elles sont établies « dans des circonstances telles que son auteur peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elles ne soient pas interceptées par un tiers. (…).

Le droit à la confidentialité n’en sera pas moins brimé selon que la communication ait lieu au bureau de l’avocat ou à la résidence du client. »
En terminant, mentionnons que même en présence d’une autorisation d’interception, toute communication dite privilégiée sera inadmissible en preuve.

L’accès au paquet scellé

L’article 187 du Code prévoit que tous les documents ayant servi à l’obtention d’une autorisation d’interception soient confidentiels et conservés dans un « paquet scellé ». Ce paquet est conservé dans un lieu auquel le public n’a pas accès.

Le droit à une défense pleine et entière, garanti par l’article 7 de la Charte, permet à un accusé de demander à ce que le paquet scellé soit ouvert.

Le Code prévoit que le paquet scellé sera remis à l’accusé après que les affidavits auront été révisés. Ainsi, l’article 187(4) énonce que le poursuivant remet une copie des documents à l’accusé après avoir supprimé toutes les parties des copies pouvant porter atteinte à l’intérêt public. Il en serait ainsi, par exemple, si l’information contenue dans l’affidavit pouvait compromettre la confidentialité d’un informateur.

Dans l’arrêt Dersch, la Cour suprême enseigne que le pouvoir discrétionnaire du juge pour accorder la divulgation du contenu du paquet scellé, ne peut être exercé judiciairement et conformément à la Charte que s’il autorise la demande de l’accusé. Il ne peut en être autrement puisque le droit à une défense pleine et entière exige que ces informations soient divulguées à l’accusé.

Sans les renseignements contenus dans le paquet scellé l’accusé ne pourrait tenter d’établir que l’interception a été faite de manière abusive contrevenant ainsi à l’article 8 de la Charte ou qu’elle a été faite illégalement, ce qui rendrait l’admission en preuve de ces communications privées interdites.

Il en est autrement lorsque la demande de divulgation émane d’une personne ciblée par une autorisation d’interception mais qui n’a pas été accusée. L’article 187(1.3) C.cr. prévoit que le juge peut ordonner que le paquet scellé soit ouvert. Ainsi, le pouvoir discrétionnaire accordé par cet article doit être exercé uniquement si le demandeur a été en mesure de présenter des éléments de preuve tendant à démontrer que l’autorisation a été obtenue illégalement, c’est-à-dire par fraude ou par la non-divulgation volontaire de la police.

La différence de traitement entre l’accusé et la personne ciblée mais non accusée s’explique par le fait que l’accusé a un droit constitutionnel à une défense pleine et entière, ce qui milite en faveur de la divulgation du paquet scellé.

L’accès aux enregistrements obtenus durant l’écoute

Les enregistrements ne font pas parties du paquet scellé. En effet, l’article 187 C.cr. énonce que les « documents » relatifs à une demande d’autorisation d’interception sont placés dans un paquet scellé. Les bandes magnétiques sur lesquelles se trouvent les enregistrements sont gardées par le ministère public.

Dans le contexte d’une procédure criminelle, le Code prévoit la procédure à suivre pour obtenir la divulgation des enregistrements.

L’article 189(5) du C.cr. prévoit que si la poursuite veut admettre le contenu d’une communication privée obtenue au moyen d’une interception autorisée, elle doit donner un préavis de son intention à l’accusé. La poursuite doit alors remettre une transcription de la communication interceptée ainsi qu’une déclaration faisant état de l’heure, de la date et du lieu de la communication.

Par la suite, l’accusé peut, par l’entremise de l’article 190 du C.cr. faire une demande en vue d’obtenir des « détails complémentaires » relativement à la communication interceptée. Dans l’arrêt Michaud, la Cour suprême enseigne que ces détails complémentaires peuvent comprendre la divulgation de tous les enregistrements.

La situation est différente pour la personne ciblée mais non accusée. En effet, le Code criminel ne prévoit aucun moyen de divulgation des enregistrements à l’extérieur d’une poursuite criminelle.

Cependant, si une personne ciblée a réussi à démontrer l’illégalité d’une autorisation d’interception, suite à l’ouverture et à l’analyse du paquet scellé, elle peut, par l’entremise d’une procédure distincte présenter une requête afin d’obtenir l’accès aux enregistrements.

En effet, si l’autorisation d’interception est déclarée invalide, cela implique nécessairement que l’écoute électronique devient alors une fouille, perquisition ou saisie abusive contrevenant ainsi à l’article 8 de la Charte. Cette violation d’un droit constitutionnel donne ouverture à une réparation en vertu de l’article 24 (1) de la Charte. Les enregistrements permettront alors de déterminer l’étendue du préjudice subi advenant que la personne ciblée décide d’intenter une action en dommages-intérêts.

Conclusion

Bien évidemment, il serait souhaitable que la police puisse combattre le crime sans avoir recours à des méthodes d’enquête qui mettent en jeu nos droits constitutionnels. Cependant, comme tous les amateurs de téléséries policières, tel Omerta et Les Sopranos, le savent, les dangers que représentent, par exemple, le crime organisé pour le bon fonctionnement de notre société justifient les pouvoirs exceptionnels prévus par le Code criminel en matière d’écoute électronique.

Il n’en demeure pas moins que ces pouvoirs exceptionnels doivent être utilisés en respectant nos droits constitutionnels. Les dispositions du Code criminel tentent de nous protéger contre les enquêtes abusives menée à l’aveuglette par la police et les avocats criminalistes sont présents dans l’éventualité où nos droits constitutionnellement protégés seraient lésés.

L’article 184.4 déclaré inconstitutionnel

Lire notre article à propos de l’article 184.4 déclaré anticonstitutionnel

 

 

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0 thoughts on “L’écoute électronique comme méthode d’enquête policière

  1. alexandre aubin dit :

    J`AI ETE ABUSÉ DE LA SORTE ET ENCORE C`EST MOI QUI PAYE…LES PAS ACCUSER COMME MOI N `ONT PAS ACCES A LA REPARATION.
    VA VOIR AU PALET DE JUSTICE DE QUEBEC AU NOM D`ALEXANDRE AUBIN UN PAQUET SCELÉ EXISTE MA DATA DE FETE EST 10 AOUT 1978
    SI T`A UNE VIE VIDE UN PEUT…
    J`AI ETE MIS EN DIRECT DANS LE TELEX DES LECTEUR DE NOUVELLE A TVA
    JE TE LE JURE JE ME SUIS FAITS VIOLÉ J`AI RACONTÉ TOUTE MES AGGRESION SUBIES PLUS JEUNE T`ER HHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHUMILIER..
    SVP ECRIVEZ MOI COMMENT POURSUIVRE LA JUSTICE OU LA POLICE OU PIERRE OU QUEBECOR
    MAIS ASSUREMENT J`AI FAILLI ME SUISIDER PLUS DE 10 FOIS CETTE ANNEES MA VIE A ETE EVISERE DEPUIS PLUS DÙN AN
    ALEXANDRE AUBIN

    1. Marie-Pier dit :

      Bonjour Monsieur Aubin, nous vous invitons à consulter un avocat civiliste pour de telles poursuites. Un jugement récent, 13 avril 2012, a été rendu par la Cour suprême invalidant l’écoute électronique sans autorisation. Il faudra donc voir quels seront les recours pour les personnes lésées dans ces cas. (514) 286-2283.

  2. Johanne dit :

    bonjour, je suis présentement en procédure judiciaire, poursuite civil, comment faire pour prouver que je suis sur écoute, j’aI effectivement dénoncée une enquête illégale à mon sujet et depuis ce n’est que des représailles que je subis.
    J’ai besoin également d’un avocat pour poursuivre les procédures, la requête a été déposée ainsi que l’écheancier.
    En attente de votre réponse.