Par : Me Julie Couture | Publié le : 12 septembre 2022
Entreprendre une démarche thérapeutique
Lorsque l’on vit une épreuve, entreprendre une démarche thérapeutique est certainement une bonne idée. Cela dit, comme dans bien des domaines, ce type de cheminement peut s’avérer rempli de hauts et de bas. Il faut des efforts à long terme et constants pour observer de réels progrès. Il faut également être prêt à plonger jusqu’au fond de soi pour guérir. Ceci requiert une grande ouverture et une grande honnêteté, avec soi-même comme avec son thérapeute. Et bien sûr, il arrive qu’on y fait des aveux.
Confiance brisée suite à des aveux faits en thérapie
Récemment, un dénommé M. Chatillon a vu ses aveux se retourner contre lui alors qu’il avait entrepris une thérapie de bonne foi. Il faisait cette démarche pour soigner une possible déviance sexuelle, qui avait été découverte dans le cadre d’une autre démarche thérapeutique, celle-ci concernant sa toxicomanie.
Dans ce cadre précis, l’homme s’était confié à une thérapeute professionnelle et avait avoué qu’il avait posé des gestes à caractère sexuel sur une fillette de trois ans. À l’époque des évènements, il souffrait également d’une dépendance à différentes substances intoxicantes. Suivant ces aveux, la thérapeute lui avait alors offert trois possibilités : soit elle dévoile le crime elle-même à la DPJ, soit il le fait lui-même, ou alors ils le font ensemble.
Des aveux faits en thérapie transmis à la police
L’homme était d’accord pour en informer la DPJ. Néanmoins, ses propos se sont retrouvés entre les mains de la police, ce à quoi il n’avait pas donné son accord. La possibilité d’informer la police n’avait jamais été mentionnée, ni par la thérapeute, ni même par la DPJ lors de leur rencontre. N’ayant jamais été mis en garde, l’homme a été arrêté. Il n’aurait évidemment jamais fait d’aveux en thérapie s’il avait su que ceux-ci pouvaient l’incriminer.
Un premier procès
Des accusations d’agression sexuelle ont été portées contre M. Chatillon par le Directeur des poursuites criminelles et pénales. Ayant déjà avoué les gestes qui lui étaient reprochés, aucune réelle défense n’était envisageable dans son dossier.
Un avocat de la défense chevronné a cependant pris la décision de contester la légitimité des aveux que M. Chatillon avait faits, dans le but d’obtenir un acquittement. Malgré cela, suite à son procès criminel, le juge de première instance a rejeté cette défense selon laquelle les aveux faits en thérapie étaient frappés d’un privilège. Le juge l’a donc déclaré coupable du chef d’accusation qui pesait contre lui.
Des aveux faits en thérapie restent en thérapie
Le 1er août dernier, la Cour d’appel du Québec est cependant venue rectifier le tout. Effectivement, dans leur décision, les juges ont statué que des aveux qui sont faits dans le cadre d’une démarche thérapeutique sont protégés par un privilège en droit criminel et sont donc inadmissibles en Cour.
La Cour indique que la valeur fondamentale de la Charte qui protège contre l’auto-incrimination doit être considérée dans l’exercice d’évaluation du privilège. Le fait d’utiliser les communications confidentielles entre un thérapeute et son patient comme unique preuve de culpabilité entre en « collision » avec les valeurs de la Charte. Des aveux faits en thérapie ne peuvent donc pas être la seule preuve qui incrimine un individu.
Protéger les gens qui entreprennent une démarche thérapeutique
La Cour ajoute qu’il lui apparaitrait injuste et contraire aux valeurs de la Charte d’utiliser contre l’accusé ses aveux faits dans le cadre d’une démarche thérapeutique volontairement entreprise auprès d’un organisme traitant les déviances sexuelles afin de discuter précisément de ce type de déviance. C’est d’autant plus important que cette démarche personnelle avait comme objectif de vouloir régler un problème grave. et que M. Chatillon l’avait entreprise de bonne foi et en toute honnêteté.
« Ne pas reconnaître qu’un privilège protège un aveu dans les circonstances de la présente affaire me semble aller à l’encontre du bon sens et décourage les personnes aux prises avec des déviances sexuelles de rechercher l’aide requise par leur état. Si la preuve ne permet pas de conclure avec certitude qu’un candidat ne se présenterait pas à une thérapie qui le mènera devant la cour criminelle, poser la question est sans doute y répondre ».
Martin Vauclair, J.C.A., Chatillon c. R., 2022 QCCA 1072
Pour toutes ces raisons, M. Chatillon a finalement été acquitté du chef d’agression sexuelle qui avait été porté contre lui suite à ses propres aveux faits dans le cadre d’une thérapie.
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