Actualités judiciaires, Affaire Turcotte

Confiance en la justice: le rôle du juge

 Affaire Turcotte et la confiance du public envers la justice

On a parfois l’impression que le système de justice est loin du public, qu’il est inaccessible, intouchable. Parfois, des décisions sont rendues et le public se sent trahi par le système, il ne se sent  pas écouté, pas entendu.

Or, c’est tout le contraire !

L’intérêt public

L’intérêt du public est pris en compte au moment de rendre une décision en droit criminel, et ce, à plusieurs niveaux.

C’est à dire, lorsque le juge décide si une preuve doit être exclue ou non, parce qu’elle a été trouvée ou saisie illégalement, le juge DOIT tenir compte de l’intérêt du public à ce que la preuve soit conservée dans le procès, ou exclue.

Ce n’est pas le seul critère, mais il est réel et d’une grande importance.

Les juges sont nommés par le gouvernement qui lui, est élu par la population. Indirectement, c’est donc cette population ( nous ) qui leur donnons mandat.

Les juges sont à l’affût des différents courants dans la société parce qu’elle évolue et que les mœurs changent. C’est au nom de la société dans son ensemble que les juges rendent leurs décisions, et non pour leur propre intérêt ou conviction.

 Question de droit

confiance en la justiceLes questions suivantes reviennent de façon récurrente dans la jurisprudence.

«  Est-ce que cela déconsidérerait l’administration de la justice »

et

« est-ce qu’un public, bien informé de la situation, garderait confiance dans le système de justice »

C’est particulièrement le cas lorsque le juge doit décider s’il remet en liberté un individu en attente de son procès.

Ce qu’il faut comprendre:  c’est que les juges doivent appliquer la loi, bien sûr, mais toujours en fonction de l’intérêt du public.

Il faut leur faire confiance, parce qu’ils font leur métier avec conscience,  beaucoup de discipline, beaucoup de recul, d’impartialité, d’empathie, d’humanité.

 N’oublions pas que les juges sont eux-mêmes des citoyens.

À la Cour, ils sont surélevés, ils semblent intouchables, inaccessibles, mais il sont d’abord  des personnes humaines, des citoyens des gens comme vous et moi.

Ils ont soumis aux mêmes lois, aux mêmes questionnements.

 Le Barreau, la magistrature, et de façon plus large, l’ensemble de la communauté juridique se sont donné pour mission ces derniers temps d’informer le public, de l’aider à comprendre le système de justice.

Un système qui a ses défauts, qui n’est pas parfait, bien sûr.

Les mêmes thématiques reviennent souvent :

  • les délais avant d’être jugé,
  • l’accessibilité à la Justice,
  • le coût des procédures.

Mais lorsqu’on le regarde dans son ensemble, qu’on pèse le pour et le contre, je vous dirais que notre système est excellent.

Affaire Turcotte débat sensible et omniprésent

En 2012, presqu’en 2013, la grande part de la population  ont un téléphone intelligent dans les poches, peut-être même dans les mains.

La grande majorité des gens ont un compte facebook, twitter, lise les nouvelles dans les journaux, sur les blogues spécialisés internet, regardent la télévision.

Et TOUT LE MONDE a une opinion sur l’affaire Turcotte. C’est le genre de débat dans lesquels les gens se sentent touchés, impliqués et  sentent le besoin d’émettre leur opinion.

Ainsi nous sommes  bombardés d’opinions et une des questions récurrentes se formule ainsi : « Comment est-il possible qu’un homme puisse tuer ses enfants et se retrouver en liberté, dans la société, moins de 5 ans plus tard ? »

 Ce n’est pas une question facile parce qu’elle se pose dans un contexte complexe.

La société a réagit d’une façon que je qualifierais de normale.

Y’a rien de plus normal que de se questionner, en tant que société, sur le fait que Guy Turcotte soit en liberté.

C’est une bonne chose d’en parler, qu’on tente de l’expliquer au public, et parfois même de se l’expliquer à nous-même. Une société qui fait des remises en question, qui débat, c’est une société en santé.

turcotte  institut pinel

 Le piège de l’opinion publique

 Mais il ne faut pas tomber dans le piège de prendre une histoire comme celle de Guy Turcotte, ou Pascal Morin et s’insurger en affirmant que ça n’a pas de bon sens et perdre confiance dans notre système de justice.

Ce serait extrêmement dommage, parce que les avocats et les métiers de la magistrature se battent tous les jours, pour que le système soit juste et qu’il s’améliore, et je ne pense pas être naïve de penser que ça fonctionne.

Peu importe ce que l’on pense de l’affaire Turcotte, gardons en tête que des milliers et des milliers de décisions judiciaires sont rendues au Québec chaque mois.

Et la très grande majorité de ces décisions peuvent être cassées en appel ou en révision judiciaire lorsque la partie perdante croit que la décision est mauvaise. Et une fois qu’il y a un appel, il est encore possible de monter plus haut, jusqu’ultimement, à la Cour Suprême du Canada.

La sécurité des cours d’appels

Les cours d’appel apparaissent comme des filets de sécurité, des protections qui  dans les décisions les plus difficiles, (quand le jugement aurait aussi bien pu pencher d’un côté que de l’autre), assure que la bon jugement a été rendu.

Les juges sont humains et peuvent faire des erreurs. Avec les mécanismes d’appel, on diminue énormément les risques d’erreurs. On ne pourra jamais les éliminer complètement, mais on s’approche de cette utopie année après année.

Bien que le juge ait la capacité de « couper  la poire en deux », il arrive qu’il ne puisse le faire ou décide de ne pas le faire et qu’il détermine un « gagnant » et un « perdant ».

En droit criminel, lorsqu’il y a un procès sur la culpabilité d’un individu, il y en a pas de match nul, on va en prolongation jusqu’à ce qu’on trouve le gagnant.

Cela implique que quelqu’un sera mécontent de la décision rendue.

C’est une grande responsabilité que de décider qui a raison. Immense responsabilité, mais en droit criminel ce n’est pas le critère.

Les décideurs ont parfois la vie des gens entre leurs mains. Dans le cas de Guy Turcotte, ce sont  11 personnes, issues du public, qui ont eu cette difficile tâche de déterminer la culpabilité.  C’est Turcotte qui devait démontrer par prépondérance des probabilités qu’il était : « était atteint de troubles mentaux qui le rendaient incapable de juger de la nature et de la qualité de l’acte ou de l’omission, ou de savoir que l’acte ou l’omission était mauvais. »  

Comme le rappelait Me Poupart dans sa plaidoirie devant jury dans le procès Turcotte  :

  • C’est cet article 16 C. cr. que par la force des choses je vous parle et qui expose cela et qui se lit exactement comme suit.
  • Quand une personne est incapable de juger de la qualité de son acte ou savoir que son acte est mauvais, la loi dit que sa responsabilité criminelle n’est pas engagée. Et là, ce que vous devez savoir, c’est qu’il incombe à la partie défenderesse ou de la poursuite (il est rare que le ministère public le fasse, il est prévu qu’il puisse le faire), c’est que les deux parties peuvent présenter une défense de troubles mentaux. Cela doit être démontré par prépondérance des probabilités. Qu’est-ce que ça mange en hiver la prépondérance des probabilités? En détail, c’est le juge David qui va vous l’expliquer.
  • Mais ce que ça veut dire, c’est que ce n’est pas hors de tout doute raisonnable. Pour nous, il y a un déplacement relativement à la défense quant au fardeau de preuve et au pouvoir de persuasion. Ainsi, on doit établir par la balance des probabilités.
  • Prenez l’image de la balance. Deux camps dans lesquels il n’y a rien. Vous y mettez la preuve de non-responsabilité. Si cette preuve déplace le plateau de la balance et crée un déséquilibre aussi minime soit-il, cette preuve est faite.
  • Alors que la preuve hors de tout doute raisonnable c’est « stackkkkk ». C’est lorsque le poids est à ce point puissant que nous pouvons en avoir la certitude. On ne parle pas du tout de la même preuve. »

Ce sont eux qui ont écouté pendant des semaines et des mois la preuve présentée, et ils ont pris une décision. Il est  difficile, à mon avis, d’être en accord ou en désaccord avec le verdict, sans avoir entendu la preuve dans son ensemble.

Et j’exprime cette opinion tant pour un avocat que pour un juge, un journaliste, ou un non juriste.

 Troubles mentaux

On peut être en désaccord avec la loi mais c’est une autre histoire.

On peut trouver que l’article 16, sur la non responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux, n’est pas clair, qu’il est mal écrit ou qu’il ne devrait pas exister.

Ça c’est une autre histoire.

On peut ne pas être d’accord avec la loi que les jurés étaient obligés de respecter et  c’est légitime de le dire et d’en discuter, si c’est le cas.

Les lois changent, elles évoluent. Le gouvernement écoute la population, la cour suprême entend la population. Mais tant que la loi est ce qu’elle est, et il faut la respecter, malheureusement, ou heureusement.

 Considérer le parti de la victime

La victime est souvent mise à l’avant-scène. Les médias la recherche et réclament des entrevues.

Madame Gaston en est un très bon exemple.  Il est normal de s’intéresser aux victimes ou aux proches des victimes, c’est souvent à eux que les gens s’identifient, pour eux qu’ils prennent parti. il éprouvent de la peine, de l’empathie, pour eux. C’est parfaitement humain.

Mais l’accusé, lui, n’est pas souvent là pour donner sa version.

  1. Premièrement, parce que c’est le conseil de  ses avocats.
  2. Deuxièmement, il est souvent préférable  sur le plan  légal, pour lui, de ne pas se prononcer tant que toutes les procédures ne sont pas terminées.
  3. Enfin les médias lui courent moins après pour avoir sa version. Du moins, on voit cela beaucoup moins souvent.

Je ne dis pas que ce n’est pas correct, mais le résultat fait en sorte que le public n’est soumis qu’aux  versions des victimes et des policiers ( dramatiques et vendeuses pour les médias)… UNE version des faits,  de l’histoire, un seul côté de la médaille.

Notre système de justice est bon

Le Québec et le Canada possèdent un bon système de justice et d’excellents juges, nous devons en être fier.

Mais pour en être fier, il faut peut-être commencer par le comprendre.

Les avocats ont un rôle à jouer, et les médias doivent aussi faire leur part dans le processus éducatif.

Le rôle du public consiste à s’informer et à  s’intéresser à la justice parce qu’il en dépend et que  c’est un « univers »  fascinant qui gagne à être connu.

J’ai confiance dans la capacité du public à comprendre le système, à prendre conscience de sa complexité .  Plus cette prise de conscience sera effective, plus il comprendra ces décisions qui paraissent aberrantes.

Jeudi le 13 décembre 2012 Me Couture a participé à une tribune, visionner l’émission OPEN TÉLÉ animée par Sophie Durocher sur MAtv 

Lire aussi dans le blog à propos de l’affaire turcotte

 

 

 

 

 

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0 thoughts on “Confiance en la justice: le rôle du juge

  1. Lise Tessier dit :

    non malheureusement le système de justice n’est pas aussi faible que ce qu’on veut nous faire croire.
    Souvent le système de justice est totalement déconnecté de la réalité.
    Très souvent on ne peut faire autrement que croire les avocats travaillent dans leurs propres intérêts personnels.
    Il faut que les jugements soient compatibles avec ce qui se vit sur la planète Terre.
    Une erreur très grave que les juges et le personnel en autorité font est à l’effet que la loi est plus importante que les personnes. Cela discrédite le système et celui-ci doit changer.